Colloque Apollonius et Priscien : transmission, traduction, tradition. Histoire d'une réception (English version below)

 Bordeaux 21-22 mars 2019

 Appel à communication

L'œuvre du grammairien alexandrin du deuxième siècle auquel la tradition donne le nom pittoresque d'Apollonius Dyscole (« le bilieux ») est reconnue depuis l'Antiquité comme majeure dans l'histoire de la tradition occidentale, sans doute parce qu’il se situe au confluent d’un courant philosophique de réflexion sur le langage illustré par Platon, mais surtout Aristote et les Stoïciens, ces derniers ayant poussé particulièrement loin l'analyse des différentes composantes du langage ; d’un courant rhétorique représenté par les « sophistes » mais aussi par Aristote et des rhéteurs comme Denys d'Halicarnasse (1er siècle) ; et enfin d’un courant philologique particulièrement puissant à Alexandrie, où une école rationaliste a combiné analyse grammaticale et analyse littéraire pour contribuer à l'établissement de textes de référence pour les grands auteurs de la littérature grecque. Le plus célèbre grammairien de cette école fut certainement Aristarque (début du 3e siècle avant notre ère). Apollonius ne part donc pas de rien, mais il a très probablement été le véritable inventeur de ce qu'il a appelé la suntaxis, un concept qui correspond au processus de construction et d'assemblage des unités linguistiques qu'il applique plus particulièrement au niveau de l'énoncé (logos).

Si Apollonius lui-même est au carrefour complexe de plusieurs traditions, c'est à l'évolution de la grammaire après lui que ce colloque est consacré. Le premier héritier est évidemment son fils Hérodien, installé à Rome, qui passe pour avoir contesté l'extrémisme rationaliste de son père en matière de description linguistique. Toutefois, ce fils ne semble pas avoir joué un rôle essentiel dans la tradition ultérieure.

Un ensemble de textes qui paraît s'être beaucoup inspiré d' Apollonius est représenté par les Scholies du manuel de Denys le Thrace, aux dates plutôt incertaines mais tardives et qui réfèrent souvent à Apollonius, plus ou moins directement.

Mais c'est évidemment le mauritanien Priscien (6e siècle) qui, à Constantinople, a le plus fait pour transmettre à la postérité l'apport d'Apollonius. Entre traductions et inspirations, son œuvre, qui ne se réduit évidemment pas à la seule transmission de l'acquis des grammairiens précédents, a exercé une influence considérable dans la période médiévale et au-delà sur la tradition grammaticale occidentale. On prétend par exemple que le verbe anglais to parse viendrait du titre du traité d'analyse grammaticale intitulé Partes orationis.

L'objectif du colloque de Bordeaux est d'explorer les différents aspects de la transmission des textes d'Apollonius et de Priscien. On s'intéressera en particulier à l'histoire des traductions dans d'autres langues des textes originaux. Priscien lui-même a été le premier traducteur d'Apollonius. Il faut attendre évidemment beaucoup plus longtemps pour que d'autres traductions voient le jour, ne serait-ce que du fait de l'oubli du grec en Europe occidentale jusqu'à la Renaissance. C'est d'ailleurs de la fin de la Renaissance (1590) que date la première véritable édition avec traduction en latin de la Syntaxe par Friedrich Sylburg. D'autres traductions, cette fois en langues modernes, ont été publiées beaucoup plus tard, mais c'est surtout depuis les années 80 que les textes ont attiré l'attention des traducteurs d'Apollonius : Fred W. Householder (anglais, 1981), Vicente Bécares Botas (espagnol, 1987), Jean Lallot (français, 1997). L'histoire complète des éditions et des traductions, ainsi que de leur retentissement sur la pensée grammaticale reste à faire. Il en va de même pour les textes de Priscien, dont les traductions ont été nettement moins nombreuses, sans doute du fait même que les textes sont en latin. Le travail du groupe Ars grammatica, qui a entrepris la traduction française, est donc tout à fait novateur.

Du côté des commentateurs, l'intérêt pour Apollonius ne se manifeste guère avant le 19e siècle. Un des premiers livres à ce sujet est celui d'Emile Egger, qui publie en 1854 son essai sur Apollonius Dyscole. Mais c'est surtout à partir des années 70 que les études se multiplient, en particulier avec l'émergence de l'histoire de la linguistique comme discipline autonome. L'intérêt pour Priscien intervient à peu près au même moment.

Au-delà de la transmission des textes, de l'histoire des traductions et des commentaires, on peut s'interroger sur l'influence (directe ou indirecte) de ces textes sur la constitution et le développement de la tradition grammaticale en Occident, ainsi que sur leur éventuel impact sur la tradition arabe. L’héritage le plus évident est représenté par la terminologie mais la représentation des faits de langue doit certainement beaucoup à nos deux grammairiens.

L'interprétation générativiste d'Apollonius par Householder soulève une autre question qui est celle de la lecture des grammairiens anciens par les linguistes, probablement sous l'action de l'émergence de l'histoire de la linguistique. Et de s’interroger pour savoir si les linguistes peuvent trouver dans cette relecture autre chose qu'un effet d'autorité sous la forme du précurseur – un peu comme un proverbe dans la conversation courante. Se pose alors la question de l'herméneutique de ces textes : s'agit-il de reconstruire une cohérence interne, de redonner sa place au développement de la grammaire dans l'ensemble des disciplines relevant des humanités ? De sortir de l'oubli des analyses susceptibles de mieux nous faire comprendre la tradition qui est la nôtre et ce que la linguistique lui doit ? Ou encore de susciter un renouvellement de nos propres pratiques de linguistes ?

Les propositions ne devront pas dépasser 8000 caractères, bibliographie comprise. Les résumés seront anonymes et les auteurs enverront sur un document séparé leur nom, leur rattachement institutionnel et le titre de leur proposition aux deux organisateurs:

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Les présentations seront de 30 minutes discussion comprise.

Langues acceptées: français et anglais.

Date limite: 20 novembre; résultats 20 décembre

Dates: 21-23 mars 2019

Lieu: université Bordeaux Montaigne

Comité scientifique:

Marc Baratin, Guillaume Bonnet, Bernard Colombat, Alessandro Garcea, Anne Grondeux, Frédérique Ildefonse, Frédéric Lambert, Stephanos Matthaios, Michela Rosellini, Jean Schneider, Ineke Sluiter, Pierre Swiggers

Comité d'organisation: Frédéric Lambert et Guillaume Bonnet

Laboratoires: CLLE-ERSSàB, GIS Humanités, Centre Jean Pépin, HiSoMA, STL, HTL

Apollonius and Priscian Colloquium

Transmission, Translation, Tradition: History of Reception

Bordeaux: 21–22 March 2019

 Call for Papers

The work of the second-century Alexandrian grammarian to whom tradition has given the picturesque name Apollonius Dyscolus (“the bad-tempered”) has been known since antiquity as critical in the history of the Western tradition, no doubt because it is situated at the confluence of a philosophical current of reflection on language exemplified by Plato and, still more, Aristotle and the Stoics, the latter having taken particularly far the analysis of the different components of language; of a rhetorical current represented by the “sophists” but also by Aristotle and rhetoricians like Dionysius of Halicarnassus (first century); and, finally, of a philological current that was especially strong in Alexandria, where a rationalist school combined grammatical and literary analysis to contribute to the establishment of reference texts of the great writers of Greek literature. The most famous grammarian of this school was certainly Aristarchus (early third century bc). Thus, Apollonius was not starting from scratch, but was very probably the real inventor of what he called suntaxis, a concept which corresponds to the process of constructing and assembling linguistic units, which he applied in particular at the level of the utterance (logos).

If Apollonius himself is at the complex crossroads of several traditions, it is to the evolution of grammar after him that this colloquium is devoted. His first successor was of course his son Herodian, who, working in Rome, is said to have challenged the rationalist extremism of his father in the matter of linguistic description. Nevertheless, the son seems not to have played a key role in subsequent tradition.

A collection of texts which appears to have been greatly inspired by Apollonius may be found in the scholia of the handbook of Dionysius Thrax, which are of uncertain date, but late, and often refer to Apollonius, more or less directly.

But it is of course the Mauretanian Priscian (sixth century) who, in Constantinople, did the most to transmit Apollonius’s contributions to posterity. Neither strict translations nor free adaptations, his works, which clearly do not consist merely of the transmission of earlier grammarians’ achievements, exercised considerable influence on the Western grammatical tradition in the medieval period and beyond. It is said, for example, that the verb “to parse” comes from the title of the treatise of grammatical analysis called Partes orationis.

The objective of the Bordeaux colloquium is to explore the different aspects of the transmission of the texts of Apollonius and Priscian. We are interested particularly in the history of translations of the original texts in other languages. Priscian himself was the first translator of Apollonius. Of course, one had to wait much longer for other translations to see the light of day, if only because of the disappearance of Greek from western Europe until the Renaissance. Indeed, it is from the end of the Renaissance (1590) that the first true edition of the Syntax dates, with a Latin translation, by Friedrich Sylburg. Other translations, this time in modern languages, were published much later, but it is especially since the 1980s that the texts of Apollonius have attracted the attention of translators: Fred W. Householder (English, 1981), Vicente Bécares Botas (Spanish, 1987), Jean Lallot (French, 1997). A complete history of editions and translations, as well as their impact on grammatical thought, remains to be written. The same is true of the texts of Priscian, translations of which have been significantly less numerous, no doubt because of the very fact that the texts are in Latin. The work of the group Ars grammatica, which has undertaken the French translation, is thus breaking completely new ground.

On the part of commentators, hardly any interest for Apollonius was shown before the nineteenth century. One of the first books on the subject was that of Emile Egger, who published his essay on Apollonius Dyscolus in 1854. But it is especially beginning with the 1970s that studies have multiplied, particularly with the emergence of the history of linguistics as a discipline in its own right. Interest in Priscian came on the scene more or less at the same time.

Apart from the transmission of texts and the history of translations and commentaries, one could discuss the influence (direct or indirect) of these texts on the formation and development of the grammatical tradition in the West, as well as their possible impact on the Arabic tradition. The clearest legacy is seen in terminology, but the representation of linguistic facts certainly owes much to these two grammarians.

The generativist interpretation of Householder raises another question: the reading of the ancient grammarians by linguists, which is probably due to the emergence of the history of linguistics as a field. Furthermore, one could discuss whether linguists can find in this re-reading something other than the impression of authority conferred in the form of a precursor—a little like the effect of a proverb in daily conversation. There then arises the question of the hermeneutics of these texts: Is it a question of reconstructing an internal coherence, of resituating the development of grammar in its proper place in the whole range of disciplines that fall under the humanities? Of recovering from oblivion analyses capable of allowing us to understand better the tradition that belongs to us and what linguistics owes to it? Or else of promoting a renewal of our own practices as linguists?

Proposals for papers should be submitted as Word files no longer than 8000 characters, including bibliography. Abstracts should be anonymous, and the author’s name, institutional affiliation, and the title of the proposal should be sent in a separate document to the two organizers:

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Presentations will be 30 minutes in length, including discussion.

Languages accepted: English and French.

Deadline for submission: 20 November, with results announced by the selection committee by 20 December

Dates: 21–23 March 2019

Place: Université Bordeaux Montaigne, Pessac, France

Scientific committee: Marc Baratin, Guillaume Bonnet, Bernard Colombat, Alessandro Garcea, Anne Grondeux, Frédérique Ildefonse, Frédéric Lambert, Stephanos Matthaios, Michela Rosellini, Jean Schneider, Ineke Sluiter, Pierre Swiggers