Colloque Apollonius et Priscien : transmission, traduction, tradition. Histoire d'une réception

Université Bordeaux Montaigne

21-22 mars 2019

Odéon de l'Archéopôle

 

Programme

 

Jeudi 21 mars 2019

 

10h Accueil

10h45 Ouverture du colloque

11h Frédéric Lambert université Bordeaux Montaigne, CLLE-ERSSàB (UMR 5263)

Emile Egger lecteur critique d'Apollonius Dyscole: un modèle pour le XXIème siècle?

11h30 Rim Abidi, Université de Carthage, Institut Supérieur des Langues de Tunis

Retour sur la transmission matricielle des parties du discours à l’aune de la Syn-taxe d’Apollonius et de la syn-catégorématique de Priscien

12h Madeleine Keller, Université de Paris Nanterre, UMR 7041 ArScAn

La terminologie dans l’Ars de Priscien

            12h30 déjeuner

14h Stephanos Matthaios, National & Kapodistrian University of Athens, Faculty of  Philology

A flashback to Apollonius’ sources: the quotations of Hellenistic grammarians in his writings

14h30 Marc Baratin, université de Lille

De Priscien à Apollonios : le choix d’un modèle

                  15h Pause

15h15 Tim Denecker, Pierre Swiggers, Alfons Wouters, KU Leuven & Research Foundation – Flanders (FWO)

Apollonius Dyscole, Priscien (et les autres) : la problématique du pronom

15h45 Jean Schneider, université Lyon 2, HiSoMA (UMR 5189)

Les limites de la catégorie des pronoms chez Apollonios et Priscien

                  16h15 Pause

16h45 Lionel Dumarty, HiSoMA – UMR 5189 (Université Lyon 2/Lyon 3)

Le silence des grammairiens anciens (Apollonius Dyscole et Priscien) au sujet des adverbes non ad-verbaux.

17h15 Stella Merlin, Università di Verona, Dipartimento di Culture e Civiltà

Le domaine de la déixis entre les yeux et l’esprit

                  20h Dîner au centre-ville de Bordeaux

 

 Vendredi 22 mars

 

9h30 Bernard Colombat, UMR 7597 « Histoire des théories linguistiques », Université Paris Diderot / CNRS

Jules-César Scaliger, Priscien et les Grecs

 10h Ineke Sluiter, Universiteit Leiden

Priscian’s dedication to the consul Julian

            10h30 Pause

 10h45 Paola Cotticelli Kurras, Università degli Studi di Verona

The legacy of Priscian and the doctrine of syntax in the speculative grammar

11h15 Manuela Callipo, Liceo Scientifico “Giordano Bruno”, Torino

Le noetón dans la tradition grammaticale grecque d’Alexandrie à Byzance

            11h45 Déjeuner

13h45 Filippomaria Pontani, Università Ca' Foscari, Venezia

Traduire la Syntaxe à la Renaissance: le témoignage des manuscrits

14h15 Anna Kotarcic, Pierre Swiggers, Raf Van Rooy, KU Leuven & Research Foundation – Flanders (FWO)

The first critical edition-with-translation of Apollonius Dyscolus’ On Syntax (1590): Genesis, aims, and audience

            14h45 Pause

 15h00 Yekaterina Yakovenko, Institute of Linguistics of the Russian Academy of Sciences, Moscow

Ælfric’s Translation of Excerptiones de Prisciano into Old English as a Specific Form of Cultural Transfer

 15h30 Anneli Luhtala, University of Helsinki

The Reception of Priscian by the Italian Humanists in the 15th century

 16h00 Guillaume Bonnet, université de Bourgogne et Frédéric Lambert

Dialogue conclusif: Apollonius et Priscien, quelle réception?

            16h30 Fin du colloque

 

 

 

RÉSUMÉS (dans l'ordre du programme)

 

Frédéric Lambert université Bordeaux Montaigne, CLLE-ERSSàB (UMR 5263)

Emile Egger lecteur critique d'Apollonius Dyscole: un modèle pour le XXIème siècle?

 

Une des caractéristiques de l'histoire de la lecture d'Apollonius Dyscole est la discontinuité. Il est évident que le caractère lacunaire des sources de l'Antiquité tardive et du Haut Moyen-Âge ne permet pas de suivre de façon fiable son audience, même si, autant qu'on puisse en juger, la plupart de ses successeurs le mentionnent comme une autorité respectable pendant plusieurs siècles. Mais à partir de Priscien, pour qui bien sûr Apollonius représentait un grammairien capital, l'importance directe de l'héritage descriptif et théorique d'Apollonius dans la tradition occidentale n'est pas évidente. Editions et traductions se sont succédées depuis la toute fin du 15ème siècle à intervalles plus ou moins éloignés mais l'influence explicite d'Apollonius sur la pensée des grammairiens a fortement diminué, si ce n'est pas un euphémisme de dire cela.

De ce point de vue, la présentation et la lecture d'Apollonius que propose le philologue et linguiste Emile Egger dans son Essai de 1854 constitue une exception notable, et qui n'aura pas beaucoup d'imitateurs. Pascale Hummel (2006: 158), dans un article qui récapitule le travail de ce grand philologue, ne donne pas une vision très positive de ce livre:

Il (sc. E. Egger) voit dans Apollonios Dyscole un grammairien philosophe («le plus philosophe des grammairiens d'Alexandrie »), qui, bien qu'il fût actif sous le règne des Antonins, semble avoir ignoré jusqu'à l'existence de la langue latine. À ce grammairien, il consacra tout un livre, dont le propos manifeste une nouvelle fois la double orientation philologique (voire linguistique) et historiographique : Apollonius Dyscole. Essai sur l'histoire des théories grammaticales dans l'Antiquité (1854). Il y décrit, plus qu'il n'analyse, le contenu de l'œuvre du savant grec[1].

Mon propos dans le travail que je souhaite présenter pour le colloque de Bordeaux consiste notamment à réhabiliter le travail d'Egger. Plusieurs aspects me semblent remarquables dans sa démarche. Il est vrai que de nombreuses pages sont consacrées à une traduction en français ou à des résumés d'assez longs passages des différentes œuvres d'Apollonius. Mais outre le fait qu'il s'agit de la première traduction française[2] de ces extraits, et, dans le langage de l'époque, une très bonne traduction, la sélection des passages traduits ou résumés offre un ensemble d'analyses réellement très caractéristiques de la méthode d'Apollonius.

D'autre part, le livre présente un parcours très diversifié et complet de l'œuvre d'Apollonius et des problèmes qu'elle pose. Si les reproches récurrents du style insuffisamment littéraire de l'alexandrin sont datés, un très grand nombre de remarques paraissent tout à fait pertinentes. Mon objectif sera de montrer que cette pertinence peut se lire à deux niveaux.

A un premier niveau, Egger dégage des apports essentiels et très souvent ou négligés ou oubliés dans les analyses d'Apollonius. En même temps il sait montrer les limites incontestables et les défauts irrémédiables de ce brillant grammairien. Mais à un second niveau, on peut lire l'Essai comme un ensemble d'approches des textes d'Apollonius susceptibles d'être transposées dans une lecture beaucoup plus actuelle. Ce qui rend possible cette transposition c'est que Egger présente de façon très claire et très explicite un double "horizon de rétrospection"[3]. On trouve d'abord une très scrupuleuse recherche des rapports d'Apollonius avec ce qu'il pouvait avoir à sa disposition: références philosophiques, grammaticales, rhétoriques. Cela lui permet de dégager ce qu'il estime représenter des traits originaux de la pensée d'Apollonius. Mais d'autre part Egger a l'idée tout à fait ingénieuse de confronter les auteurs les plus proches de lui, en l'occurrence les grands textes de la grammaire générale[4] et certains comparatistes, avec les intuitions et les analyses les plus pertinentes de l'auteur de la Syntaxe. L'hypothèse très subtile qu'il défend est que bien des auteurs "modernes" de son temps auraient eu le plus grand profit à prolonger les intuitions d'Apollonius, alors que leur ignorance les a fait régresser si l'on peut dire à un stade "pré-apollonien". Cette confrontation, qui constitue une sorte de mise en abyme des horizons de rétrospection, peut précisément susciter, à mon sens une projection nouvelle sur notre propre horizon de rétrospection. Il ne s'agit pas de lire Apollonius comme un précurseur, l'utilisant comme un argument d'autorité pour donner des lettres de noblesse à une analyse actuelle. Egger invite bien plutôt ses lecteurs à retrouver la dynamique de la pensée d'Apollonius, même quand elle en reste au stade d'une intuition, d'un insight, pour aller plus loin que lui avec lui.

Quelques citations peuvent donner une idée du point de vue défendu par Egger:

"Apollonius, mieux connu et mieux compris, eût laissé sur ce sujet (sc. le pronom) bien peu à faire à ses successeurs." (p.115)

"Ainsi, sur ce point comme sur la nature de l'article, la doctrine d'Apollonius est confirmée par les faits qu'il n'a pu connaître, et elle peut recevoir dans nos grammaires modernes, une foule d'applications aussi justes qu'imprévue" (p.139)

"Mais, d'abrégés en abrégés, la science des Alexandrins est devenue tout à fait méconnaissable dans ces manuels que les professeurs de la Renaissance appropriaient à la faiblesse de leurs écoliers. Depuis le XVIe siècle, Apollonius est de plus en plus oublié dans les écoles" (p.266)

Ailleurs (p. 201), Egger montre comment Apollonius, sans y atteindre totalement, a pressenti une théorie localiste des cas.

Mais notre auteur n'idéalise pas pour autant le grand philologue. Il lui reproche ainsi avec un regret évident d'avoir ignoré toute autre langue que le grec, alors même que la ville où il exerçait était si riche en diversité linguistique. Là aussi le reproche est aussi une explication que nous pouvons retenir, car Egger illustre parfaitement ce qui peut expliquer en partie les phases d'oubli des textes d'Apollonius. Il montre en effet que l'intérêt de ces textes pour ce qu'il appelle la "philosophie du langage" et qui peut se traduire par "linguistique générale" en un sens passe, dans la lecture d'Apollonius, par des analyses très raffinées et complexes de faits exclusivement grecs. Le livre d'Egger a justement ce mérite de rendre assez accessible l'héritage d'Apollonius à des lecteurs non hellénistes, ce que les traductions ne parviennent que beaucoup plus difficilement à obtenir.

A un deuxième niveau, l'hypothèse que nous voudrions défendre dans cette présentation est que l'approche de Egger mériterait d'être actualisée avec l'horizon de rétrospection que nous pouvons avoir aujourd'hui, tant en histoire des idées linguistiques que dans les débats actuels en théorie et et en description linguistique. Il s'agit à la fois de mieux comprendre la place d'Apollonius dans la tradition grammatical jusqu'à aujourd'hui et d'oser poser la question de savoir si ire Apollonius peut nous aider, au-delà des questions de grammaire du grec, et en évitant de faire d'Apollonius un précurseur[5] (ce qui contribue à l'enterrer), à mieux comprendre les catégories et les procédures avec lesquelles les linguistes du XXIème siècle travaillent.

Références:

Auroux Sylvain1980 : « L'histoire de la linguistique », Langue Française, 48, p. 7-15.

Egger Emile, 1854, Apollonius Dyscole. Essai sur l'histoire des théories grammaticales dans l'Antiquité, Paris, Auguste Durand

Hummel Pascale, 2006, "Emile Egger, historiographe des mutations philologiques, L'Antiquité Classique 75 pp. 155-160

Householder Fred 1981 : The syntax of Apollonius Dyscolus, Amsterdam

Lallot Jean 1997 : Apollonius Dyscole, De la construction, (2 vol.) Paris, Vrin

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[1] C'est nous qui soulignons.

[2] La lecture d'Egger est fondée sur l'édition publiée par Bekker dans le premier quart du 19ème siècle.

[3] Au sens de Auroux (1980).

[4] On peut être surpris à ce propos, en plein milieu du 19ème siècle de la place accordée par Egger aux grammairiens de la grammaire générale.

[5] On pense en particulier à l'introduction et à la traduction de Fred Housolder de 1981, qui tend à faire d'Apollonius le précurseur de Chomsky.

 

Rim Abidi, Université de Carthage, Institut Supérieur des Langues de Tunis

Retour sur la transmission matricielle des parties du discours à l’aune de la Syn-taxe d’Apollonius et de la syn-catégorématique de Priscien

          Parmi les éternelles problématiques, qui n’ont cessé de marquer les débats historiques, la question de la réception du logos –assemblant dans la conception grecque discours et raison– constitue l’un des topoï linguistiques les plus fondamentaux.

       C’est dans cette perspective que s’inscrit notre réflexion diachronique soulignant l’impact prégnant des traditions grammaticales gréco-latines sur la quasi-totalité des classifications universelles relatives aux parties du discours. En effet, cette réflexion entend interroger les sources des catégories hellénistiques, en l’occurrence les partitions aristotélicienne et d’Apollonius Dyscole, à travers une exploration de leur genèse, de leur évolution historique ainsi que leur réception et leur influence sur les autres aires langagières du monde. Rappelons que c’est grâce à la traduction que d’autres grammaires à l’instar du latin, de l’arabe, de l’hébreu, des langues slaves, etc. s’y sont référées et inspirées pour reproduire presque les mêmes canevas analytiques comme celui de la tripartition en nom et verbe, et une troisième classe pour le reste (ou encore les particules). Ce fut sans conteste une transmission, lato sensu, d’une modélisation matricielle issue d’une vieille tradition de la logicisation du langage. Ladite transmission s’est opérée via la traduction de ces références incontournables et de la conservation de leur systématique logico-formelle de classification des parties du discours, qui s’est avérée désormais une matrice opératoire dans ce sempiternel champ d’investigation.

     Il s’ensuit que l’un des objectifs de notre exposé revient à reconsidérer les seuils gréco-latines des partitions grammaticales décrivant la rationalité du langage en portant un intérêt particulier à l’œuvre d’Apollonius Dyscole et, dans son sillage, son disciple et traducteur Priscien. Nous estimons que ce grammairien latin a pu réinterroger et repenser les partes orationis conformément à une modélisation conséquente à concevoir, en vertu de ses mérites, comme exemplaire voire prototypique dans la généalogie des catégorisations linguistiques. Pour ce faire, notre recherche portera essentiellement sur les apports des traductions de la Syntaxe d’Apollonius et des Institutiones grammaticae de Priscien dans l’élaboration des matrices d’analycité linguistique lesquelles ont reçu une large audience et sont transmises dans l’ensemble des critères d’identification des parties du discours. Dans le même ordre logique des mérè tou logou (littéralement « parties de la parole ») illustrées dans la Technè de Denys de Thrace, Apollonius a établi, dans sa Syntaxe, la liste canonique des huit « tiroirs » qu’il affine en recourant à différents critères. Ces derniers relèvent de l’aspect morphologique, de la valeur sémantique relative au « sens propre » (idia ennoia) pour désigner le « signifié » ainsi que du niveau syntaxique fondé, dans sa conception, sur la congruence et la compositionnalité. D’ailleurs, cet esprit rationaliste inhérent à sa logique syntaxique trouvera son écho, entre autres, dans la distinction chomskyenne de « forme logique ».

     D’emblée, la perpétuation de cette catégorisation matricielle dont la paternité revient, selon les scholies consacrées, à Apollonius et qui sera adoptée à l’identique dans la grammaire latine pour ne subir, en Occident jusqu’au XXe siècle, que des retouches, est due principalement à la première traduction de Priscien. Celle-ci aurait même pu stimuler voire initier, chez ce grammairien de Constantinople, une importante réflexion épistémologique qui s’est concrétisée dans la mise en place de la taxinomie pertinente : catégorématique vs syncatégorématique. Ainsi, l’originalité de Priscien s’est déployée dans la création de cette systématique dichotomique d’ordre logico-formel dont le substrat originel serait à chercher auprès de son maître à penser. Tout bien considéré, il s’agirait d’une relecture conjuguée à la traduction qui parviendra, semble-t-il, à faire étendre le calque du concept grec de syn-taxe (sun-taxis) d’Apollonius et de sa catégorie « syn-desmos » (sun-desmos) aux partes orationis subdivisées en syn-catégorèmes « consignifiantes » pour les particules jointes moyennant la composition ou la juxtaposition par opposition aux catégorèmes constituant des énoncés complets.

La délimitation diachronique synthétisant les classifications des unités linguistiques révèle l’apport évident de ces pensées grammaticales gréco-latines qui, dans leur réception au-delà d’une simple imitation servile, ont pu générer plusieurs nomenclatures et taxinomies fonctionnelles. Dans cette lignée s’inscrit toute la littérature grammaticale propre à l’histoire de la linguistique avec d’autres distinctions systématiques telles que : « les objets des pensées » vs « la manière et la forme des pensées » de la grammaire du Port Royal, les unités « variables » vs « invariables » de Chassang, les « parties de discours prédicatives » vs les « parties de discours non prédicatives » de Guillaume, la fameuse redistribution « mots pleins » vs « mots vides » de Tesnière, les « mots à lexème » vs les « mots sans lexème » de Pottier, les « classes majeures » vs les « classes mineures » de Todorov, la « classe avec contenu substantival » vs la « classe sans contenu substantival » de Chomsky au même titre que la subdivision : the « open-class words » vs the « closed-class words » dans la catégorisation cognitive.

      C’est cette récursivité matricielle illustrant la portée de la transmission des idées rationalistes de ces deux figures de proue de l’histoire grammaticale (Apollonius et Priscien) qu’on tentera d’exemplifier et d’analyser dans cet exposé.

Bibliographie : 

  • AUROUX, Sylvain, 1992, Histoire des idées linguistiques, Tome II, Presses Universitaires de France.
  • BARATIN, Marc, 1989, Naissance de la syntaxe à Rome, Éditions Minuit, Paris.
  • COLOMBAT, Bernard, 1999, La grammaire latine en France à la Renaissance et à l’Âge classique, ElIug, Grenoble. 
  • COLOMBAT, Bernard, 1988, « Les parties du discours (partes orationis) et la reconstruction d’une syntaxe latine au xvi siècle », Langages, 92, pp. 51-64.
  • ILDEFONSE, Frédérique, 1997, La naissance de la grammaire dans l’Antiquité grecque, Paris, Vrin, coll. « Histoire des doctrines de l’Antiquité classique ».
  • LALLOT, Jean, 1997, Apollonius Dyscole, De la construction, introd., trad., Paris, Vrin.
  • LAMBERT, Frédéric, 1985, « Théorie syntaxique et tradition grammaticale, les parties du discours chez Apollonius Dyscole ». Archives et documents de la SHESL, p. 115-132. Société d'Histoire et d'Épistémologie des Sciences du Langage.
  • LAMBERT, Frédéric, 2003, « Apollonios Dyscole : La syntaxe et l'esprit ». In : Swiggers, Pierre & Wouters, Alfons (éd.), Syntax in Antiquity. Louvain : Peeters, p. 133-152. Orbis supplementa 23.

 

Madeleine Keller, Université de Paris Nanterre, UMR 7041 ArScAn

La terminologie dans l’Ars de Priscien 

 Priscien est très soucieux de la terminologie, comme le montre, notamment, le soin avec lequel, en plusieurs endroits de l’Ars, il examine – et justifie – les désignations traditionnelles des parties du discours.

Priscien dispose d’un très riche fonds terminologique, pluriséculaire, qui inclut bon nombre d’emprunts au grec totalement intégrés : cf. consonans, uocalis, diphtongus, syllaba ; casus et <nomen> mono-… hexaptotum ; commune duum generum et epicoenum. Mais une description plus approfondie, ou différente, des données linguistiques nécessite des compléments ; ainsi à côté de compositus, decompositus « dérivé de composé » (cf. παρασύνθετος vs σύνθετος), apte à rendre compte des formations telles que magnanimitas, formé sur le composé magnanimus (GL 2, 177.10-178.3). Autre innovation, de portée bien plus considérable : au lieu de "sum uerbum" la nouvelle désignation du verbe « être », comme uerbum substantiuum (correspondant à ὑπαρκτικόν, GL 2, 414.14-15), va de pair avec des analyses fondamentales telles que celle de GL 2, 564.30-565.3.

L’étude de la construction des verbes selon leurs genera uel significationes comporte une esquisse de typologie sémantique des verbes (GL 3, 272.19-277.18) parallèle à celle d’Apollonius dans sa Syntaxe (3, 158-188). Pour désigner les différentes catégories distinguées, Priscien mobilise un vocabulaire abondant, où prédominent les adjectifs (<uerba> laudatiua, funebria, etc.). Apollonius, lui, recourait majoritairement à des tours comportant des syntagmes prépositionnels (<ῥήματα> ὅσα ἐπ’ ἐκωμίων, τὰ ἐπ’ οἴκτου παραλαμβανόμενα). Or les œuvres grammaticales de Théodore de Gaza ou Constantin Lascaris offrent des listes similaires, vraisemblablement d’origine scolaire, où les catégories sont dénommées par des adjectifs, en -(τ)ικός. Ce sont probablement ces listes scolaires qui ont inspiré à Priscien ses désignations. Aux adjectifs en -(τ)ικός il fait correspondre le plus souvent des adjectifs en -(t)iuus (laudatiua, uituperatiua, deceptiua, acquisitiua, etc.), suffixe très productif dans la terminologie de la rhétorique et de la grammaire, notamment chez Priscien – où ce type de dérivés dépasse la centaine.

L’innovation la plus importante de Priscien par rapport à l’Ars grammatica romaine traditionnelle est sans conteste la suppression de la « troisième partie » – sur les défauts et qualités de l’expression – et l’introduction de livres sur la syntaxe (17 et 18). Leur titre, De constructione (sc. partium orationis, ou dictionum), fait écho au Περὶ συντάξεως d’Apollonius, dont Priscien s’est fortement inspiré – tout en s’en écartant sur des points non négligeables. Constructio (avec construere) n’est que l’un des nombreux termes permettant, par touches successives, de rendre compte de la richesse notionnelle de σύνταξις : cf. structura, ordinatio (et ordinare), dispositio, iunctura, adiunctio, coniunctio. Tous ces vocables de la langue commune, qui peuvent traduire σύνταξις (et σύνθεσις), se chargent de l’acception sémantique spécialisée du terme grec : ils en deviennent des calques sémantiques. Parmi eux, constructio a une certaine prééminence, peut-être parce qu’il est doté du préfixe con-, qui correspond à συν-.

La manière dont Priscien introduit, au livre 11, les équivalents de σύνταξις est caractéristique : [de la construction en cas] sed de his, si deus annuerit, cum de dispositione uel constructione partium orationis scripserimus, id est περὶ συντάξεως, exponere latius conabimur (GL 2, 550.17-19). Au mot grec correspondent deux traductions, complémentaires ; de même, au début du livre 17, dans de ordinatione siue constructione dictionum, quam Graeci σύνταξιν uocant. Cela manifeste le scrupule constant de Priscien dans ses choix terminologiques.

Le début du livre 17 présente la construction syntaxique comme un assemblage d’éléments appartenant à diverses partes orationis, par lequel est produit du sens (GL 3, 108.16-109.3 notamment). La combinaison est adéquate (apta) si elle respecte les exigences respectives de ces divers éléments (cf., dès le livre 11, nomina… uolunt en GL 2, 553.8-10, ou uerba desiderant, 555.16-17), exigences qui résultent de leurs accidentia, ou faisceaux de traits caractéristiques. Une telle conception de la syntaxe entraîne, dans la description, un recours massif aux mots de la famille de iungere « joindre », avec l’appoint occasionnel de (as)sociare, construere, ou encore addere. Appartenant à la langue commune, ces termes ont d’autres emplois, plus ou moins spécialisés, sans que cette polyvalence n’entraîne d’ambiguïté.

Priscien, peut-être davantage encore qu’Apollonius, accorde une grande importance à la transition, ou transitivité, c’est-à-dire la présence, dans un énoncé donné, d’un transfert entre personnes (transitio personarum), le vecteur pouvant en être une préposition, un pronom (tous les possessifs sont transitifs, cf. GL 2, 582.23-583.25) ou un verbe – ce qui « passe » (transire) d’une personne à une autre étant alors la signification du verbe. Dans ces analyses, transire et transitio sont les calques sémantiques de μετιέναι et διά-/μετάβασις ; avec les néologismes transitiuus et intransitiuus (et adverbes en -e) – correspondant à μεταβατικός et ἀμεταβατός – ils constituent un petit groupe dont les éléments sont clairement motivés. Il s’y ajoute les néologismes retransitio, retransitiuus et retransitiue, pour le passage d’une personne à une autre avec, en retour, passage de cette personne à la personne initiale (<persona> ipsa agit et sic alia in ipsam, GL 2, 584.6-7), c’est-à-dire du mécanisme impliquant ce que nous appelons un réfléchi indirect. Ce phénomène linguistique, moins répandu en grec qu’en latin, n’avait pas été théorisé par les grammairiens grecs, et Priscien a donc dû se forger une terminologie originale ; il a procédé d’une manière économique et rationnelle, en étendant la famille de transitio.

En cas de réflexivité, il n’y a pas de transitio personarum : la personne retourne sur elle-même un acte dont elle est à la fois l’agent et le patient (GL 3, 14.18-20). Priscien use des termes traditionnels dans les écrits grammaticaux latins, à savoir reciprocus (proprement « mutuel, réciproque ») et dérivés (reciprocari, reciprocatio), qui indiquent un double mouvement, comme les vocables grecs de la famille de ἀντανακλᾶσθαι (ἀντανάκλαστος, ἀντανακλασμός), fondés sur la métaphore de la « réflexion » ; Priscien a tiré de ces termes grecs les calques sémantiques reflecti et -ere, refringi et -ere, refractiuus. Les livres 17 et 18 voient se développer l’usage des néologismes de facture originale sui passus et sui passio, qui ont l’avantage d’être motivés (cf. pati) et d’évoquer la situation diathétique ; ce sont les calques de αὐτοπαθής (renouvelé en ἰδιοπαθής) et αὐτοπάθεια, antonymes de ἀλλοπαθής et ἀλλοπάθεια. Souvent les équivalents apparaissent dans des séquences quasi stéréotypées où ils se glosent mutuellement : « … ἰδιοπαθῆ uel ἀντανάκλαστα… id est sui passa uel a se patientia siue refractiua translatiue a corporibus quae in se refringuntur » (GL 3, 176.16-18).

Toutes ces concordances entre Priscien et Apollonius ne doivent toutefois pas faire oublier leurs divergences – que Priscien évoque d’ailleurs lui-même en ouvrant le livre 17. Ainsi figura et σχῆμα, en syntaxe, correspondent à deux conceptions très différentes de la « figure » – et de la « faute » (σολοικισμός). En ce qui concerne la construction de l’ensemble de l’énoncé, en remaniant la réinterprétation par Apollonius de la classification stoïcienne des prédicats (d’où la tripartition congruitas / minus quam congruitas / incongruitas, GL 3, 211.19-27), Priscien révèle un profond changement de perspective. Il est manifeste, en plus, qu’il avait connaissance de la théorie originelle.

Comme Apollonius avant lui, Priscien se trouve au carrefour de plusieurs traditions, qu’il a abordées avec esprit critique. Et nombre de ses analyses allaient nourrir la grammaire médiévale et humaniste, ainsi sa typologie sémantique des verbes, sa théorie approfondie de la transitio (et retransitio) ou encore sa conception de la figure, à l’origine des figurae constructionis, qui devaient déboucher sur les règles de l’accord syntaxique. Cette position – qui ne saurait être celle d’un simple traducteur ni même d’un adaptateur d’Apollonius – se laisse déjà entrevoir quand on prend en considération les filiations et ruptures terminologiques au cours des siècles.

La terminologie de l’Ars Prisciani comporte relativement peu de néologismes (cf. adjectifs en -(t)iuus, sui passus/passio), eu égard à son caractère novateur et présente, ce qui est une sorte de paradoxe, une facture intégralement latine – si l’on excepte les emprunts grecs déjà parfaitement intégrés dans les Artes du IVe siècle. C’est que Priscien lui-même n’introduit aucun emprunt (lexical) au grec, alors même que sa terminologie est considérablement enrichie par des notions élaborées par des Grecs : la plupart de ses innovations terminologiques consistent en calques sémantiques et/ou morphologiques de termes grecs spécialisés, dont les plus importants sont explicitement indiqués, dans des formulations du type de « X quod Graeci Y uocant »). Priscien a atteint l’objectif qu’il s’était fixé, in Latinum transferre sermonem (GL 2, 2.4).

 

Stephanos Matthaios, National & Kapodistrian University of Athens, Faculty of  Philology

A flashback to Apollonius’ sources: the quotations of Hellenistic grammarians in his writings

 Apollonius Dyscolus is not only regarded as one the most important, but also as a very well-read grammarian, to whom we among others owe plenty of our knowledge about the development and the level of linguistic thought reached in several periods during Antiquity. The numerous quotations of Apollonius’ forerunners throughout his writings are recorded by R. Schneider in the Index scriptorum of the third volume of Apollonius’ edition (GrGr II/3 [1910, 284-288]). J. Lallot reported in the introduction to his monumental edition and commentary on Apollonius’ Syntax (1997, I 14-17) all the relevant material too and presented it in relation to its content and theoretical framework. There are quotations of scholars and grammarians who cover the whole emergence and development period of ancient scholarship, i.e. a period of approximately four centuries, starting with Zenodotus in the 3rd c. BC and going up to Trypho, Habro and Heraclides of Miletus in the 1st c. AD.

My presentation refers to the subject areas ‘trasmission’ and ‘tradition’, but it turns the perspective back to the scholars who served as Apollonius’ sources or, at least, were introduced themselves as such in his oeuvre. Starting from the opposition between direct and indirect sources, my presentation aims at investigating the material which was available to Apollonius and from which he could with all probability directly cite. The focus of the analysis is in each single case under discussion on the grammatical argument formulated by Apollonius. From this perspective, my purpose is to examine (a) how Apollonius deals with his sources material, (b) to what extend he remains obliged to the cited authors, and, upon this aspect, (c) how far he modifies in his own formulation and the new theoretical frame the information adapted and the opinion cited. In this way, both Apollonius’ method and his reliability in matters of older source material will be closely examined.

References:

– Lallot, Jean (1997), Apollonius Dyscole. De la construction (syntaxe), vol. I-II, Paris

– Schneider, Richardus (1910), Librorum Apollonii deperditorum fragmenta (= GrGr II/3), Leipzig

 

Marc Baratin, université de Lille

De Priscien à Apollonios : le choix d’un modèle

 L’objet de cette communication est de s’interroger sur les raisons qui ont pu conduire Priscien à prendre Apollonios pour modèle. Les motifs avancés explicitement par le grammairien latin peuvent en effet laisser perplexe (quand il inclut dans les iuniores un grammairien grec qui lui est antérieur de 4 siècles) ou sont trop généraux pour être éclairants (quand il le présente parmi les perspicaciores). Or la question se pose d’autant plus si l’on met en perspective le contexte dans lequel s’inscrit Priscien par rapport à Apollonios, et qu’on fait ainsi apparaître les différences qui les séparent, c’est-à-dire, outre le fait qu’ils ont pour objet deux langues distinctes :

- les préoccupations globales propres à l’époque de Priscien, avec, entre autres, l’apparition du néo-platonisme et des querelles christologiques ;

- les visées pédagogiques particulières d’un grammairien latin de Constantinople au début du 6e siècle, dont le but est d’enseigner sa langue à un public à coup sûr composé en majorité d’hellénophones en quête de bilinguisme ;

- la spécificité de l’autre arrière-plan grammatical de l’Ars de Priscien, à savoir la tradition latine des Artes et leur structure particulière.

Ces différences n’étaient guère de nature à inviter Priscien à prendre pour modèle un grammairien alexandrin tout à fait étranger aux problématiques qui étaient celles de son époque et de son monde.

Cela posé, je reviendrai sur les différents traités de Priscien pour montrer que, pour la plupart, ils s’inscrivent dès l’origine dans un rapport aux modèles grecs qui permet de replacer le choix d’Apollonios dans une visée globale.

Je mettrai par ailleurs cette visée en relation avec l’exploitation essentiellement pratique qui est faite d’Apollonios par Priscien, lequel, au-delà de la révérence constamment affirmée vis-à-vis de son modèle, ne s’interdit en réalité aucune manipulation, jusqu’à modifier, souvent dans le détail mais parfois plus profondément, le sens du texte de départ.

Cette recontextualisation du rapport de Priscien à son modèle me permettra de proposer une interprétation de son choix, comme résultant des objectifs multiples qu’il paraît s’être fixés.

 

Tim Denecker, Pierre Swiggers, Alfons Wouters, KU Leuven & Research Foundation – Flanders (FWO)

Apollonius Dyscole, Priscien (et les autres) : la problématique du pronom

 L’exposé, qui se situe dans le prolongement d’un travail antérieur consacré au traitement du pronom chez Priscien (Swiggers – Wouters 2009), consistera en une comparaison du traitement des pronoms chez Apollonius Dyscole et chez Priscien. Il portera sur :

  • La définition de (la nature) du pronom
  • La division des pronoms
  • La catégorisation des pronoms
  • La terminologie utilisée en rapport avec les questions (b) et (c)
  • La « sémantique » des types de pronoms
  • La question de la référence interne et externe des pronoms possessifs.

Dans la mesure du possible, la comparaison intégrera aussi les vues d’autres grammairiens (surtout latins) à propos de ces questions.

 

Jean Schneider, université Lyon 2, HiSoMA (UMR 5189)

Les limites de la catégorie des pronoms chez Apollonios et Priscien

 Ma contribution portera sur une section du traité De pronomine où Apollônios Dyscole examine un certain nombre de mots qu’on hésite à ranger parmi les pronoms, un examen qui intervient logiquement avant le traitement systématique du μέρος τοῦ λόγου ainsi défini en compréhension et en extension. Cette section (p. 26, 22-35, 5 dans l’édition de R. Schneider) n’a pas d’équivalent dans le livre XII des Institutions Grammaticales de Priscien, mais le livre XIII évoque bien des mots qui, selon certains, seraient des pronoms, alors que Priscien n’a tout simplement pas parlé de ces mots dans le premier des deux livres consacrés au pronom. Je projette d’étudier d’abord la section d’Apollônios, qui concerne quatre mots (ou groupes) : τίς/τις (interrogatif ou indéfini), τοιοῦτος/τοσοῦτος/τηλικοῦτος, ἡμεδαπός/ὑμεδαπός, οἴμοι. Il semble qu’Apollônios refuse d’accueillir ces mots parmi les pronoms, mais le cas du troisième groupe est plus complexe puisque ces deux mots (« de notre pays », « de votre pays »), dont les équivalents latins sont clairement reçus comme pronoms, sont selon Apollônios « dérivés de pronoms », et je réexaminerai les arguments qui, selon certains, prouvent que le grammairien les considère vraiment comme des pronoms (thèse de Jean Lallot et de Philip Brandenburg) et ceux qui suggèrent que pour lui, au contraire, ces ἀντωνυμικά ne sont pas des ἀντωνυμίαι (thèse de Richard Schneider). Les arguments évoqués par Apollônios ne sont qu’accessoirement morphologiques, et ce sont surtout le sémantisme et la fonction de ces mots qui doivent prouver qu’ils sont ou non des pronoms. Priscien peut reprendre ponctuellement certains énoncés méthodologiques, dans des contextes divers, mais surtout il évoque plusieurs fois, dans le livre XIII, une série de huit noms qui présentent au génitif et au datif singulier des désinences qu’on pourrait croire propres aux pronoms (p. 2, 18-24 ; p. 7, 5-10 ; p. 20, 3-23, 10 dans l’édition Hertz). Cette particularité n’a pas d’équivalent en grec, en particulier pour les mots étudiés par Apollônios dans la section étudiée, tandis que les problèmes de composition abondamment évoqués par Apollônios n’interviennent pas dans les développements de Priscien. Mais Priscien joint aux huit mots problématiques les mots talis et tantus, ce qui l’amène à reprendre le traitement de τοιοῦτος et de τοσοῦτος, et le mot alius qui correspond à ἄλλος (évoqué par Apollônios dans la suite de l’examen des dérivés en -δαπός). Il est remarquable que, alors qu’Apollônios proposait cette section au début de son traité, comme une précaution préalable à l’étude systématique des pronoms, Priscien semble négliger cette précaution, et on peut avoir l’impression qu’il s’est tardivement repenti d’avoir ignoré une partie importante du traité de son prédécesseur grec. Si l’on considère que les mots ἡμεδαπός ὑμεδαπός, qu’Apollônios n’a pas de raison dirimante d’exclure des pronoms, sont de fait oubliés dans la suite du traité, on peut aussi penser que la localisation de cette section (26, 22-35, 5), au début ou à la fin de l’œuvre, a finalement peu d’importance et que Priscien, à tort ou à raison, a considéré qu’elle regroupait des noms qui ne figuraient dans le De pronomine que pour être exclus, et les scholiastes de la Technè, souvent influencés par Apollônios, n’ont pas cru devoir mentionner ces mots contestés dans leur traitement du pronom.

Cette enquête ne permet donc pas seulement d’étudier une section particulièrement difficile du traité grec, mais aussi de deviner comment Priscien et les scholiastes de la Technè ont lu Apollônio

 

Lionel Dumarty, HiSoMA – UMR 5189 (Université Lyon 2/Lyon 3)

Le silence des grammairiens anciens (Apollonius Dyscole et Priscien) au sujet des adverbes non ad-verbaux.

 Scaliger[6] dénonce l’impropriété du nom de l’adverbe (lat. adverbium, gr. ἐπίρρημα), reprochant aux Grammairiens latins d’avoir inconsidérément suivi les Grecs, qui réduisent la construction de l’adverbe à son rapport exclusif au verbe, sans tenir aucun compte de ses fonctions adnominale, ad-adjectivale et ad-adverbiale[7].

Et de fait, Apollonius Dyscole – qui ne pouvait pas ignorer un fait de langue aussi évident[8] – ne dit pas un mot de la prédication non verbale, pas même dans son traité Des adverbes. Mais l’œuvre du maître étant très lacunaire, on imagine d’abord qu’il avait dû pointer la contradiction quelque part dans un passage aujourd’hui perdu et dont on peut encore espérer trouver une trace chez ses épigones. Deux références s’imposent alors : les scholies à la Technè, qui sont très largement nourries de la doctrine d’Apollonius[9], et l’Ars grammatica de Priscien, qui, de l’aveu même de son auteur, s’inspire du maître alexandrin. Or, sur ce point précis, les Commentaria sont décevants : il y est certes question d’adverbes qui se construisent avec des adjectifs ou d’autres adverbes (ceux-là mêmes que mentionne la Technè[10]), mais jamais la définition étymologisante n’est discutée. Qu’en est-il de Priscien ? Si, comme il paraît normal, le De adverbio diverge assez nettement du Περὶ ἐπιρρημάτων pour les questions de morphologie, on observe que le grammairien latin suit de très près son modèle grec pour toute la première partie, sur le sens (et donc la construction) de l’adverbe. Mais là encore, même si plusieurs passages font explicitement état d’emplois non ad-verbaux de l’adverbe, ni la définition de l’adverbe ni, corollairement, son appellation ne sont jamais remises en cause.

Le silence des principaux témoins nous invite à penser que – sauf à envisager une lacune très ancienne – Apollonius n’avait lui-même jamais fait état de cette question. Au reste, on ne voit pas comment il aurait pu surmonter la contradiction, car alors soit (1) il parvenait à démontrer que ces adverbes prédiquent virtuellement un verbe (comme il le fait pour les adverbes holophrastiques[11]), soit (2) il les excluait de la classe des adverbes, au nom du principe selon lequel un mot dérive dans la catégorie du mot dont il adopte le comportement syntaxique, comme l’adjectif qui intègre la classe des adverbes parce qu’il prédique un verbe[12]. Le premier argument trouve sa réfutation chez divers témoins, et notamment dans les scholies[13] et chez Priscien[14]. Le second se heurte au critère de l’invariabilité, autre propriété de l’adverbe : comme l’adjectif devient invariable en devenant adverbe, μᾶλλον (par exemple) prédiquant un nom devrait à son tour recevoir les marques de la flexion[15], et pourtant il n’en est rien.

Il convient alors de soulever un double problème : pourquoi Apollonius et, après lui, Priscien gardent-ils le silence sur cette contradiction, et le font-ils l’un et l’autre pour les mêmes raisons ?

En comparant les deux traités, et en particulier toute la première partie consacrée à la discussion de la définition de l’adverbe, on observe que, en dépit des similitudes, les arguments des deux grammairiens suivent des chemins bien différents. Il s’agit très clairement pour Apollonius de fournir une justification du nom de l’adverbe (ἐπίρρημα = ἐπὶ ῥῆμα). Priscien, en revanche, semble se contenter de reprendre, d’imiter et, quand c’est nécessaire, d’adapter d’une langue à l’autre les étapes du raisonnement, et certains écarts nous invitent parfois à penser qu’il n’avait pas bien compris son modèle grec. Deux passages, qui connaissent des traitements différents chez les deux grammairiens, retiennent notre attention : la construction de l’adverbe avec le participe[16] et sa place par rapport au verbe[17]. La lecture qu’en fait Priscien suggère que ces deux passages traitent de problèmes marginaux (d’ailleurs, il relègue la question de la place de l’adverbe à la toute fin du traité, avant le chapitre sur les interjections). Pourtant, on pourrait montrer que, pour Apollonius, il s’agit au contraire d’étapes cruciales de la discussion sur la définition de l’adverbe, et qui visent précisément à légitimer le nom “ἐπίρρημα”[18].

En fait, une lecture serrée de ces passages, chez les deux grammairiens, révèle une fois de plus que, si Apollonius donne clairement priorité au système (fondement de la norme dans la terminologie[19]), Priscien accorde, quant à lui, une place importante à l’usage[20]. Ce que nous voulons mettre en évidence à partir de là, c’est que le silence de l’un puis de l’autre au sujet des adverbes non ad-verbaux doit donner lieu à deux interprétations différentes. Pour Apollonius, il s’agit d’une négligence délibérée. Des adverbes qui prédiquent autre chose que des verbes – et qu’on ne peut ni ramener à des figures ni rejeter comme fautes – sont proprement contre-nature : la contradiction est alors insurmontable. Dans ce cas (comme dans d’autres, d’ailleurs), on voit bien qu’Apollonius se laisse prendre au piège du système qu’il bâtit : lorsqu’il ne parvient pas à trouver une raison[21] pour expliquer et surmonter la contradiction, alors il ne peut que se taire[22]. À l’inverse, le silence de Priscien n’est pas un recours. Sans doute le poids de la tradition grecque sur laquelle il se fonde[23] ne permet pas au grammairien latin de réformer le système, ce qui explique en partie l’absence d’observations théoriques sur cette contradiction. Mais, assumant l’idée que les principes théoriques ne sont pas toujours aptes à rendre compte de tous les usages attestés, il ne s’interdit pas, contrairement à Apollonius, d’accepter que des faits de langues puissent entrer en contradiction avec les termes de la définition.

Références

Baratin, Marc (1989) La naissance de la syntaxe à Rome, Paris, Minuit.

Grammatici Graeci [GG], ed. A. Hilgard, R. Schneider, G. Uhlig, Leizig, Teubner, 1867-1910 :

- I 3 : Scholia in Dionysii Thracis artem grammaticam, 1901.

- II 1, 1 : Apollonii Dyscoli scripta minora, 1878 [Adv. = p. 119-200].

- II 2 : Apollonii Dyscoli De constructione libri quattuor, 1910 [Syntaxe].

Grammatici Latini [GL] III : Prisciani Institutionum Grammaticarum libri XIII-XVIII, ed. M. Hertz, Leipzig, Teubner, 1859.

Groupe Ars Grammatica (2013) Priscien, Grammaire, livres XIV, XV et XVI – Les Invariables (préposition, adverbe et interjection, conjonction), texte latin, traduction introduite et annotée, Paris, Vrin (Histoire des doctrines de l’antiquité classique, 44).

Lallot, Jean (19982), La Grammaire de Denys le Thrace. Traduction annotée. Paris, Ed. Du CNRS.

Robins, Robert Henry (1966), « The Development of the Word Class System of the European Grammatical Tradition. » Foundations of Language II (1), p. 3-19.

Scaliger Julius Caesar, 1540, De causis linguae latinae, Lyon, Sébastien Gryphe (1re éd.).

Sluiter, Ineke (1990), Ancient Grammar in Context. Contributions to the Study of Ancient Linguistic Theory, Amsterdam : VU University Press.

Swiggers, Pierre et Alfons Wouters (2002), « De Adverbio : Statut et significations de l’adverbe chez les grammairiens latins », Grammatical Theory and Philosophy of Language in Antiquity, Leuven-Paris : Peeters, p. 287-323.

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[6] « Quare non solum nomen adverbii male fabricarunt veteres, sed etiam imprudenter assignarunt definitionem. Neque enim solius verbi temperamentum est sed nominis quoque. Sed nimis secure secuti sunt Graecos, qui aeque inconsulte ἐπίρρημα ipsum appellarunt. » (1540, p. 312-313).

[7] Cf. Swiggers-Wouters 2002 : 296 ; 318 (« Seuls quelques grammairiens attribuent, au-delà de l’incidence verbale, une fonction “supra-locale”, ou phrastique, à l’adverbe… »).

[8] I. Sluiter (1990 : 101, n. 230) prend la peine de relever plusieurs passages qui en témoignent très clairement.

[9] Cf. Lallot 1998 : 33.

[10] Adverbes de comparaison (n°18) et adverbes d’intensité (n°20), cf. GG I, 1, 83, 1 et 84, 1-2.

[11] Comme les exclamations (αἱ ἐπιφωνήσεις), considérées comme des adverbes prédiquant un verbe « passé sous silence » (Adv. 121, 14-26), et les mots exprimant la plainte (τὰ σχετλιαστικά) ou l’exultation (τὰ εὐαστικά), qui sont des adverbes par extension (ib. 122, 13-15).

[12] Ibid. 120, 1-14.

[13] Par exemple GG I, 3, 101, 13-15 : « … οὗτος καὶ οὗτος ταχύς, ἀλλ’ οὗτος μᾶλλον ταχύς, οὗτος δὲ ἧττον ».

[14 GL III, 88, 1-3 : « Ce dernier adverbe [sc. minus], joint à une qualité opposée, signifie le comparatif de la qualité contraire, comme minus prudens [moins intelligent] avec la valeur de stultior [plus bête]… » (trad. Groupe Ars Grammatica 2005 : 211) et passim.

[15] Cf. Synt. 259, 5 : « ὀψινός [dérivé de l’adv. ὀψέ] a pris ses distances avec l’adverbe en admettant d’exprimer le cas et le genre et d’entrer en relation adjective avec un nom, et non plus avec un verbe… »

[16] GG II 2, 1, 122, 16-34 // GL III, 62, 28-63, 5.

[17] GG II 2, 1, 125, 16-126, 23 // GL III, 89, 14-90, 4.

[18] Et nous constatons par là même que l’exposé sur la place de l’adverbe (Adv. 125, 6-126, 23) ne sert qu’opportunément d’exposé sur la syntaxe de l’adverbe (cf. Sluiter 1990 : 103 sq.).

[19] Cf. Synt. I, 27 (GG II 2, 27, 7) : « L’adverbe, comme en témoigne le nom qu’on lui a donné… ».

[20] Voir par exemple Baratin 1989, p. 439.

[21] Raison qu’il n’hésite pas, parfois, à aller chercher loin. Les exemples ne manquent pas, notamment dans le traité Des adverbes.

[22] La voie médiane, qui consisterait à reconnaître à l’adverbe le statut de catégorie « attrape-tout » (πανδέκτης) que lui ont reconnu certains Stoïciens (cf. Robins 1963 : 13), n’est jamais envisagée par le grammairien.

[23] Cf. Swiggers-Wouters 2002 : 317.

 

Stella Merlin, Università di Verona, Dipartimento di Culture e Civiltà

Le domaine de la déixis entre les yeux et l’esprit

 Dans le livre XVII des Institutiones Grammaticae consacré à la construction (ou syntaxe) Priscien évoque la distinction entre le domaine de la demonstratio ad oculos et celui de la demonstratio ad intellectum (GL XVII. 142, 18–144, 4 voir Ars Grammatica 2010 p. 142 ss.). Le contexte est celui du commentaire à l’usage des pronoms dits, précisément, démonstratifs, selon la définition puisée dans la terminologie latine mais qui à son tour se rattache à la notion grecque de δεῖξις, notamment développée par Apollonius. La ‘déixis-démonstration’ concerne, chez les Anciens, non seulement les formations correspondant aux formes françaises tels que ‘celui(-ci/-là)’, ‘celle(-ci,-là)’, ‘ceux’, ‘ce’, ‘cela’, ‘ça’ et sim., mais surtout les pronoms (personnels) de 1ère et 2ème personne qui, s’alternant au cours de l’interaction conversationnelle, en déterminent l’espace du discours.

L’objet de l’étude proposée est celui de retracer le lien existant entre la division du domaine de la démonstration, ou déixis pour employer le mot grec, et justement le texte grec de départ et référence constante pour Priscien. Il s’agit précisément d’un passage de la Syntaxe (GG II. 2. 135.13–136.4, éd. Lallot 1997, vol. 1, p. 150 § 12) dans lequel Apollonius expose, assez rapidement à vrai dire, la différence entre, d’une parte, les formes de déixis (au pluriel dans le texte) de la pensée, de l’intelligence, ou bien de l’esprit (δείξεις τοῦ νοῦ) et, de l’autre, les formes de déixis de la vision, ou du regard (δείξεις τῆς ὄψεως).

Le passage en question n’est pas sans ambiguïté. Dans son commentaire, Jean Lallot (1997, vol. 2, p. 85, note 21) observe que «A[pollonius] est ici sur la corde raide : en faisant converger anaphore et déixis, la première apparaissant comme une variante intellectuelle de la seconde, et en constatant que les pronoms de 3e personne ont des emplois simplement anaphoriques, il voit bien qu’il s’expose à invalider son raisonnement de I, § 96 selon lequel l’impossibilité de construire l’article avec les pronoms s’explique par une antinomie radicale entre anaphore et déixis» (voir aussi Ildefonse 1997, p. 313).

Néanmoins, le texte de Priscien, évoquant une différence, tout à fait similaire, entre la demonstratio ad oculos, ‘vers les yeux’, et la demonstratio ad intellectum, ‘vers la pensée’, est en mesure de fournir quelques éléments pour une lecture plus appropriée du passage grec. Chez Priscien, tout comme chez son modèle grec, l’observation linguistique ne connaît évidemment pas les bornes de l’analyse linguistique moderne articulée en niveaux distincts ; au contraire, la réflexion morphologique (et formelle) s’avère toujours entrelacée au fil de la sémantique (cf. Lambert 2003). Dans ce cas particulier, le processus de détermination est le même pour les deux formes de ‘déixis-demonstration’, bien qu’il soit dirigé vers des objets comportant une sémantique mais aussi un contenu référentiel différents : autrement dit, la déixis, tout en représentant un processus unitaire, est différenciée dans l’énoncé selon que l’objet de la démonstration soit présent ou absent. Toutefois, la notion d’absence pourrait encore impliquer (d’où l’ambiguïté du passage d’Apollonius) une présence, cette fois dans un espace qui ne serait pas réel, mais plutôt imaginé.

Les modèles de la linguistique contemporaine, plus ou moins récents, ont renouvelé l’intérêt vers le domaine de la demonstratio, en ouvrant l’enquête sur un thème qui est non seulement linguistique mais qui approche, dans une perspective plus générale, la philosophie du langage. Il s’agit en effet de la recherche autour de l’indexicalité et son expression linguistique (parmi les premiers travaux, voir Brugmann 1904 et Bühler 1934). La tradition métalinguistique, loin d’être uniforme et compacte, regroupe et collecte différents éléments, issus d’une terminologie complexe qui s’est formée et construite au long de plusieurs siècles de réflexion grammaticale et linguistique, d’abord en grec puis en latin, compte tenu du fait que les systèmes terminologiques des deux langues coexistent dans la description linguistique contemporaine (on dira en français, par exemple, ‘pronom démonstratif, ‘élément déictique’, phénomène de la ‘déixis’ etc.).

À travers la lecture des textes des grammairiens anciens, enrichis par ceux des commentateurs, il sera possible de mieux comprendre le étapes de la description du phénomène de la déixis ou démonstration dans le sens étymologique donné par Priscien et aussi de contribuer à la réflexion actuelle sur cette dimension linguistique. L’intérêt de la présente étude s’applique ainsi, d’une part, à une notion centrale dans l’analyse linguistique contemporaine, et, de l’autre, au rapport entre la réalité linguistique et celle extra-linguistique, en fonction de leurs enjeux sémantiques et référentiels.

Références citées

Ars Grammatica 2010 = Priscien. Grammaire Livre XVII. Syntaxe, 1. Texte latin, traduction introduite et annotée par le Groupe Ars Grammatica animé par M. Baratin. Paris: Vrin, 2010.

Brugmann 1904 = Brugmann, Karl. Die Demostrativpronomina der indogermanischen Sprachen: eine Bedeutungsgeschichtliche Untersuchung. Leipzig: B. G. Teubner, 1904.

Bühler 1934 = Bühler, Karl. Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache. Jena: Gustav Fischer Verlag 1934.

Ildefonse 1997 = Ildefonse, Frédérique. La naissance de la grammaire dans l’antiquité grecque. Paris: Vrin, 1997.

Lallot 1997 = Lallot, Jean. Apollonius Dyscole. De La Construction. vol. 1: Introduction, texte et traduction; vol. 2: Notes et index. Paris: Vrin, 1997.

Lambert 2003 = Lambert, Frédéric. “Apollonius Dyscole: la syntaxe et l’esprit.” In Swiggers, Pierre, and Alfons Wouters. Syntax in Antiquity. Peeters Publishers, 2003: 133–152.

 

Bernard Colombat, UMR 7597 « Histoire des théories linguistiques », Université Paris Diderot / CNRS

Jules-César Scaliger, Priscien et les Grecs

 Dans son De causis linguae Latinae (1540), Jules-César Scaliger se montre tout à la fois amateur de discussions sur le métalangage et soucieux de pourfendre les opinions des grammairiens qui l’ont précédé (cf., placé en tête de l’ouvrage, son index des 632 erreurs répertoriées chez eux). Il écrit son traité contre ses prédécesseurs, au premier rang desquels se trouve notamment Priscien. La dette à Priscien a été montrée (cf. Lardet 2006). On a souligné aussi l’intérêt de Scaliger pour la terminologie grammaticale grecque (cf. Colombat 2007).

On reviendra sur ces questions pour tenter de cerner la place effective d’Apollonius Dyscole dans le De causis. Ce dernier n’est cité qu’une fois dans l’ouvrage, et encore de manière indirecte. Il y est pourtant très présent, à la fois par la citation des termes techniques grecs qu’il utilise et que Scaliger commente abondamment et par le commentaire que ce dernier fait, le plus souvent à mots couverts, des travaux de Priscien, sans qu’on sache très bien quelle connaissance l’Agenais a de la dette de ce dernier à l’égard de son prédécesseur byzantin. Ce sont ces points que ma communication tentera d’éclaircir.

Bibliographie indicative

Scaliger, Jules-César (1540) De causis linguae Latinae libri tredecim, Lyon, Sébastien Gryphe. Éd. P. Lardet, G. Clerico et B. Colombat, Jules-César Scaliger, Des causes de la langue latine, Genève, Droz (THR 594), 2 vol., 2224 p.

Colombat, Bernard (2007) « Le rôle du grec dans la terminologie grammaticale du De causis de Jules-César Scaliger », in L. Basset, F. Biville, B. Colombat, P. Swiggers & A. Wouters éd., Bilinguisme et terminologie grammaticale gréco-latine, Louvain, Peeters (Orbis / Supplementa 27), p. 395-428.

Lardet, Pierre (2009) « Priscien, le latin, le grec à la Renaissance : J.-C. Scaliger et son De causis linguae Latinae (1540) », in M. Baratin, B. Colombat et L. Holtz, Priscien, Transmission et refondation de la grammaire, De l’Antiquité aux Modernes, Turnhout, Brepols (Studia artistarum 21), p. 587-612.

 

Ineke Sluiter, Universiteit Leiden

Priscian’s dedication to the consul Julian

 The dedication of Priscian’s grammar to Julian (often called the ‘letter to Julian’) was regarded, not just as a paratext, but rather as an integral part of the work throughout the Middle Ages and Renaissance: it became the object of commentary and emulation. In this paper I will demonstrate that the ‘letter’ creates a particular framework for the interpretation of the work that follows.

Through a close-reading of the text, I offer an analysis of the text, and of its intertextual links to classical dedications, and show how it shapes prospective readers’ attitudes. I also discuss its Nachleben. An important aspect of the dedication is how it ‘anchors’ the new and innovative aspects of Priscian’s work: It represents Roman culture as anchored in Greek culture, but finds fault with a misplaced trust in the antiquity of the Greek sources, since more recent Greek work makes for better examples. There is progress within Greek culture that the Romans may miss out on if they do not update their ideas on what models to use. This is where Apollonius Dyscolus and Herodian come in. However, Priscian claims double anchoring for his work, since it is also based on the most valuable parts of the Roman commentary tradition. And interestingly, Priscian also foresees his own role in an on-going tradition, that will be partly anchored in Priscian’s own work.

I demonstrate that the text serves four different purposes. First, it constitutes and represents the readership of the grammar as a community of scholars. Secondly, it characterizes the author, Priscian himself, as a particular type of scholar. Thirdly, it depicts the art of grammar as a particularly important, ‘hot’ and urgent topic. I will comment in particular on the alleged threat that pirates were out to steal the text and scoop Priscian. Finally, the portrait of the recipient of the work, Julian, is that of a man who is as a perfect match for the grammar itself: Julian possesses precisely those qualities that Priscian claims as unique selling points for his grammar, in particular a double affiliation with Greek and Latin, and a philosophical erudition.

The dedication thus helps to reinforce the self-styling of the author and the characterization of the work. However, in its reception, a case of confused identities for Julian also led to critiques of Priscian as an apostate, and questions about the legitimacy of using his work.

 

Paola Cotticelli Kurras, Università degli Studi di Verona

The legacy of Priscian and the doctrine of syntax in the speculative grammar

 The disproportionate number of manuscripts of the Priscian’s Institutiones (Ars Prisciani) are a clear testimony to the importance of this work in the Middle Ages. It had an effect on the theoretical-speculative theory of language emerging in the High Middle Ages, as the basis of every grammar, both the practical-descriptive and the theoretical-speculative one. Priscian played a big role in the higher school days of the 11th century, as confirmed by the commentaries called Glosule, which summarized the 18 chapters of his work. They testify to an increasing systematization of grammatical considerations from a logical point of view. Consider also the Glosa to Priscian by William of Conches, who had taken on Petrus Helias, who wrote the famous commentary Summa super Priscianum. As Pinborg 1967: 24 points out, Petrus Helia´s merit was „die überlieferten grammatischen Kategorien mit einer Terminologie [zu erklären], die er der neuen Logik anzupassen versucht“.

The fact that the structures of the grammatical works in the early Middle Ages containing a part or a section dedicated to syntax thus acquire an epistemic value, as they are evidence of a certain theoretical framework. This shows in a different way interest in the syntax, displays that they continue a more or less current submerged by the Ars Prisciani.

This new consideration can be found in the various commentaries to Priscian by the authors belonging to the sphere of speculative grammar (Modistae) which explains the linguistic categories as an image of the categories of being. The central notion of this theoretical framework is the modus significandi which represents what today we would call the meaning of a grammatical category or the function of a grammatical operation. The following paragraphs are quoted from the Diasynthetica by Thomas of Erfurt: (§88): constructio causatur ex dependentia unius constructibilis ad alterum; sed una dependentia non est nisi duorum, scilicet dependentis et determinantis; ergo unius constructionis non sunt nisi duo constructibilia principalia, scilicet dependens et terminans. (§90): Constructio est constructibilium unio ex modis significandi et intellectu causata ad exprimendum mentis conceptum compositum finaliter adinventa.

In order to reconstruct the influence of Priscian's work on speculative grammar, it is the task of the modern scholar through in-depth analyzes of identifying a taxonomic and distributive value among the different recurring terms in ancient grammars, trying to identify the meaning of syntaxis, synthesis, logos, syndesmos, arthron from the Greek tradition, especially in Apollonius Dyscolus, or elocutio, sententia, ordo, ordinatio, dispositio, construtio, concordia, according to the Latin tradition etc. The ultimate goal of the work is to understand and argue the correct interpretation of the terminology, as it can be done for the Priscianian quotation (Instit. gramm., XVII, 1, Keil 1859: 108, 1-4), which Priscian translated, following Apollonios and his concept of σύνταξις, as “ordinatio[ne] sive constructio[ne] dictionum”. There, Priscian intended with the term ordinatio a hierarchical order of the constituents and not paradigmatic one within the sentence. We are confident to be able to sketch a path of this tradition in analyzing the category of the conjunction.

In fact, the new interest for the “syntax” in the form of the speculative grammar in the Middle Ages is going back to the Ars Prisciani and to the Peri syntaxeos by Apollonios through their reception mediated by Petrus Helia’s Summa, as commentaries to the books 17 and 18 about syntax by Priscian.

Works like Diasynthetica od Thomas of Erfurt or the Syntax by Melanchthon, or minor examples like the Moglossa by Paul Moldner 1454, the can be understood in a landscape of numerous descriptive grammars which followed in their structure the partes orationes only if we try to reconstruct the influence of the doctrine of the syntax from the antiquity.

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Manuela Callipo, Liceo Scientifico “Giordano Bruno”, Torino

Le noetón dans la tradition grammaticale d’Alexandrie à Byzance

 Les traités d'Apollonius Dyscole eurent une grande influence sur la grammaire des siècles suivants. En particulier, son enseignement a été reçu d’une part par Priscien au début du 6e siècle, d’autre part par les grammairiens byzantins, comme le témoignent les scholia à la Téchne assignée à Denys le Thrace. Ces sources ont été mises en parallèle par R. Schneider, GG 2.3 (1901) et sont des témoins souvent fiables et fidèles à leur modèle. Pourtant, les grammairiens qui se sont inspirés d'Apollonios ont parfois modifié la doctrine de leur modèle afin de l'adapter à leurs fins et à leur système conceptuel. En ce qui concerne Priscien, cette opération a déjà fait l’objet des analyses recentes d’A. Luhtala (2005 et 2011), d’A. Garcea (2009), du groupe de recherche Ars Grammatica (2010, notamment 85, n. 40). Nous nous proposons de suivre l’influence exercée par la doctrine d’Apollonius et par ses remaniements au fil des siècles par une étude de cas qui concerne un terme technique doué d’importantes implications conceptuelles : le νοητόν.

Nous étudierons premièrement l’usage qu’Apollonios fait de ce mot et ensuite la traduction de Priscien et le sens que le νοητόν prend dans les scholies à la Téchne. Compris comme intellegibile par Priscien, 17, 3 probablement sous l’influence de la tradition néo-platonicienne (Ars Grammatica 2010, 65, n. 6), le νοητόν n’apparaît chez Apollonios qu’au début de la Syntaxe : étymologiquement lié au verbe νοεῖσθαι et au participe νοούμενον qui sont présents tout au long des traités d’Apollonios, le νοητόν est le signifié syntaxique d’un mot, le signifié impliqué par ses accidents, ce qui rend les mots suscéptibles d’être construits les uns avec les autres (Blank 1982, 32-39 ; Baratin 1995, 144-145 ; Lallot 2003). Tout en reconnaissant que le passage apollonien dans son ensemble garde une connotation stoïcienne (Frede 1987, 354 ; Blank 1982, 30-39 ; Ildefonse 1997, 267-271 ; Lallot 1997, 2, 10, n. 10), il est intéressant de remarquer que le terme νοητόν – qui relève plutôt du langage platonicien et aristotélicien (e.g. Repici Cambiano 1981 ; Celluprica 1981) – est aussi présent dans la tradition alexandrine antérieure à Apollonios, notamment dans l’expression σχῆμα πρὸς τὸ νοητόν d’une scholie d’Aristonique à l’Iliade (Aristarque, frg. 82 Matthaios), pour désigner la construction d’un verbe au pluriel avec un nom collectif (τὸ πληθύς), morphologiquement singulier mais sémantiquement pluriel. La même remarque se retrouve chez Apollonios. Synt. 1, 67, où le verbe νοεῖσθαι est aussi employé. Dans le contexte de la scholie qui remonte à Aristarque le νοητόν paraît lié aux traits grammaticaux : πληθύς est un nom singulier, mais il renvoie à une collectivité ; par conséquent, il est un singulier qu’on peut comprendre comme un pluriel et cela en justifie la construction avec le pluriel du verbe.

Les scholies à la Téchne suivent Apollonios en ce sens qu’ils ajoutent à la définition de λέξις transmise sous le nom de Denys le Thrace la référence au νοητόν (e.g. Sch. Vat. GG 1.3, 212, 23-24 ; <Hel.> Sch. Marc. GG 1.3, 352, 35-36). Pourtant, dans la tradition byzantine le νοητόν paraît souvent dépourvu de son signifié syntaxique. Les scholiastes n’en saisissent plus le lien avec l’énoncé, mais le comprennent comme le signifié d’un mot à lui seul et parfois comme la διάνοια exprimée par un mot : c’est le cas de <Steph.> Sch. Vat. GG 1.3, 211, 28-212, 1 qui remplace νοητόν par διάνοια dans la définition de l’énoncé complet.

Références

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Filippomaria Pontani, Università Ca' Foscari, Venezia

Traduire la Syntaxe à la Renaissance: le témoignage des manuscrits

 L'histoire des traductions latines de la Syntaxe d'Apollonius Dyscole ne commence pas avec l'édition de Sylburg en 1590. Le seul savant à avoir dédié une étude d'ensemble au sujet de la transmission manuscrite du texte et des traductions reste à ce jour G. Uhlig, qui identifia notamment dans plusieurs volumes (manuscrits et imprimés) de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan les traces de l'activité d'un cercle d'érudits réunis à Padoue dans les années 1560 sous la direction de Gian Vincenzo Pinelli: les deux figures centrales furent en ce sens le Belge Nicaise Ellebode et le Grec Michel Sophianos.

Depuis les enquêtes d'Uhlig, plusieurs choses ont changé: quelques-uns des exemplaires qu'il put examiner ont été détruits pendant la deuxième guerre mondiale; sur la personnalité des savants impliqués, ainsi que sur le contexte de leur activité, on dispose aujourd'hui de beaucoup plus d'informations. D'autre part, après les échantillons donnés par Uhlig lui-même dans la préface de son édition, plus aucun philologue n'a considéré la valeur de la traduction d'Ellebode, tout comme aucune attention n'a été prêtée à l'activité exégétique du même Ellebode et de Michel Sophianos, qui peut être reconstruite à partir des scholia autographes du premier, et des recollectae anonymes provenant des συνουσίαι savantes avec le deuxième.

Les trois manuscrits de l'Ambrosienne qui témoignent de cette activité de traduction et exégèse vont donc faire l'objet de notre communication, de même qu'un quatrième manuscrit, jusqu'ici passé presque totalement inaperçu, qui remonte à la première moitié du siècle (probablement aux années 1520) et qui contient une traduction anonyme de toute la Syntaxe accompagnée, dans le livre I, par un riche apparat de notes marginales en latin, qui offrent des paraphrases ou bien des comparaisons avec la syntaxe latine.

L'enquête à mener sur l'ensemble de l'oeuvre d'Apollonios serait évidemment trop vaste, donc pour le but de cette communication on choisira un passage représentatif du livre I (provisoirement, celui sur les articles pospositifs), et on donnera la transcription de la traduction et de l'exégèse telles qu'elles figurent dans les quatre manuscrits concernés (à vrai dire trois, car pour Ellebode on dispose du même texte copié une première fois par l'auteur lui-même sous forme de notes et une deuxième fois par un autre scribe dans un livre soigné et élégant). À partir de cet ensemble de transcriptions on pourra donc formuler quelques réflexions sur les parcours et les méthodes de traduction et d'appropriation d'Apollonius Dyscole dans l'Italie du XVIème siècle.

  1. Meschini, Michele Sofianòs, Padova 1981
  2. Schneider, 'Zu Apollonios Dyskolos (III)', RhM 24, 1869, 585-596
  3. Uhlig (ed.), Apollonii Dyscoli de constructione libri IV, GG II/2, Lipsiae 1910, xiii-lxxiii

 

Anna Kotarcic, Pierre Swiggers, Raf Van Rooy, KU Leuven & Research Foundation – Flanders (FWO)

“Nimiis vigiliis ac typographicis laboribus consumptus”: Friedrich Sylburg (1536-1596), premier traducteur philologique du Peri syntaxeôs

 L’exposé présentera d’abord la carrière de Sylburg, qui se forma comme philologue (classique) à Marbourg et à Iéna, ensuite à Genève et à Paris (où il fut le collaborateur de Henri Estienne). De retour en Allemagne, il s’investit, après une carrière comme enseignant et comme collaborateur d’André Wechel, dans le travail scientifique, surtout en tant qu’éditeur de textes classiques et comme bibliothécaire (de la bibliothèque palatine de Heidelberg). Déployant une activité philologique impressionnante, Sylburg procura des éditions d’Hérodote, d’Aristote, de Pausanias, de Denys d’Halicarnasse, de nombreux Pères de l’Église grecs, d’historiens latins, … : à côté de cela, il remania profondément la grammaire grecque de Clénard (Clenardus), transformant ce manuel en un ouvrage nouveau, considérablement enrichi et amélioré.

La seconde partie de l’exposé sera consacrée à la traduction de la syntaxe d’Apollonius Dyscole que Sylburg publia en 1590 à Francfort ; cet ouvrage peut être considéré comme une édition-traduction philologique. L’examen portera essentiellement sur trois aspects :

  • Le contexte scientifique dans lequel cette traduction a été entreprise et le but visé par le traducteur ;
  • L’organisation et la présentation matérielle de l’ouvrage ;
  • Le profil de Sylburg comme traducteur et comme grammairien.

 

Yekaterina Yakovenko, Institute of Linguistics of the Russian Academy of Sciences, Moscow

Ælfric’s Translation of Excerptiones de Prisciano into Old English as a Specific Form of Cultural Transfer

The paper deals with Ælfric’s translation of an anonymous Latin grammar (Excerptiones de Prisciano) going back to Priscian and Donatus’ works and used for learning Latin in the period of the English Benedictine Reform. Ælfric’s Grammar provides witness of the sound system, word stock and grammar features of both languages. His grammatical metalanguage, comprising loan words, semantic loans, loan translations and periphrastic expressions created for explanatory purposes, is characterised by great diversity and illustrates various techniques of translation.

Carrying a semantic, morphemic, and functional analysis of Ælfric’s terminology and considering his text in terms of contact linguistics (the theory of code-switching) and translation studies, we claim that Ælfric’s Grammar is a unique example of linguistic description offering an insight into two language systems. It can also be seen as a specific form of cultural transfer deserving much attention from the point of view of traditional and cognitive semantics, language contacts, translation theories, and language teaching.

Ælfric (c. 955 – c. 1010) is generally recognized as one of the most influential late Anglo-Saxon authors. Of all Ælfric’s legacy, his Grammar is of utmost importance for our research. This work, very peculiar in form and content, has never stopped attracting scholarly attention since its first full edition, prepared by Julius Zupitza, appeared in 1880 (Zupitza 1880). It was generally believed that Ælfric’s Grammar was based on Ars maior and Ars minor by Donatus and Institutiones grammaticae by Priscian, as well as his De Institutione de nomine et pronomine te verbo (Hunt 1991); however, more recent investigation carried out by David Porter shows that it goes back to Excerptiones de Prisciano, an abridged anonymous grammar, while Donatus and Priscian’s works should be regarded as ultimate sources (Porter 2002).

Ælfric’s Grammar represents rather a free rendering of Latin grammar into Old English, followed by explication of grammar difficulties by means of the native tongue. Semantic and structural variety of Ælfric’s grammatical terminology, as well as Ælfric’s pedagogical strategies, made his work an object of numerous investigations. Former studies of the Grammar (Law 1987; 1993; 2003; Gneuss 1989; 2009 and others) described it mainly in the frame of history of linguistics and/or contrastive text studies. Papers by Don Chapman (Chapman 2010) and particularly Dieter Kastovsky (Kastovsky 2008; 2010) shed light on translational techniques used by Ælfric in his Grammar. Ælfric is mentioned in works on code-switching in Old English (Timofeeva 2010; Schendl 2011; 2017), but, as far as we know, no particular research on code-switching in Ælfric’s texts has appeared yet.

Linguistic terms used by Ælfric display remarkable diversity as for their origin, morphemic structure and correlation with their Latin prototypes. We believe that a taxonomy of Ælfric's terms can include:

  1. Single Latin insertions (code-switches): vocales, consonantes, praesens, praeteritum, etc. (nearly all Latin terms appearing in the Grammar).
  2. Words displaying phenomena different from code-switching:
  3. Semantic loans – transfers of meaning on already existing native words: sweg (Lat. accentus) “accent” (originally: “stroke”), and the like.
  4. Loan translations (calques, or morpheme-for-morpheme translations): Lat. vocales “vowels” – clypjendlīce (literal: “those that sound, cling”), Lat. consonantes “consonants” – samod swēgende (literal: “those that sound (make a noise) together [with other sounds]), Lat. participium “participle” – dæl nīmend (literal: “taking part”), and many others.
  5. Periphrastic expressions: ða ðe cumað of oðrum namum – Lat. derivativus “derivative”, se ðridde stæpe – Lat. superlativum “the superlative degree”.

Morphemic structure of Ælfric’s terms depends on the way they were formed: most semantic loans are simple underived words (see examples above); loan translations imitate the structure of the corresponding Latin words, though revealing in some cases morphological non-identity with the prototype (getacnung (< tācn “sign, token”, a derivative) – Lat. significatio (a derivative going back to a verbal compound: significatio < significare < signum + facere)). Loan translations are represented by mainly nominal and adjectival derivatives and compounds built according to productive patterns.

Ælfric uses different principles of promoting terms in a text: 1) insertion of Latin terms and their explanation by means of semantic loans, loans translations or periphrastic expressions (the combination of intrasentential code-switching and loan-translations); here also belong cases of extrasentential code-switching (a Latin quotation is followed by an amplified translation); 2) further use of either Latin terms, once explained in Old English, or their equivalents (semantic loans or loan translations); 3) successive alternation of Latin and Old English equivalents (a macaronic text). Balancing between code-switching and semantic loans/loan translations, Ælfric demonstrates in fact two translational tendencies – those of nativization and foreinization – that developed later in translation practice.

Thus, using various strategies, Ælfric creates a new type of text which can probably be determined as an amplified explanatory translation. Being neither bilingual nor in fact contrastive, it gives, alongside with a detailed description of Latin, an implicit insight into the system of Old English (grammatical categories of the main parts of speech, basics of word formation, etc.).

Illustrating various techniques of translation and giving evidence of semantic and word-building processes taking place in the language, Ælfric's Grammar contributed to the growth of Old English vocabulary and recovering the Anglo-Saxon worldview. It formed a vast lexical layer (rather, a terminological system) verbalizing a new conceptual domain. Even if this contribution was later ousted by other terminology, the very attempt was valuable indeed.

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Chapman, Don. 2010. Uterque Lingua / Ægðer Gereord: Ælfric’s Grammatical Vocabulary and the Winchester Tradition. In The Journal of English and Germanic Philology. Vol. 109, No. 4 (October 2010), 421-445.

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Anneli Luhtala, University of Helsinki

The Reception of Priscian by the Italian Humanists in the 15th century

 Priscian and Donatus were the favourite grammarians of the Renaissance Humanists, who proclaimed that they wanted to study these late antique grammars in their authentic form. Several prominent Humanists, such as Lorenzo Valla (1405–1457) and Erasmus of Rotterdam (1467–1536), expressed hostility towards the medieval textbooks on grammar, and in their footsteps, some grammarians (e.g. Perotti, Sulpitius, and Aldus Manutius) ridiculed and crititized their late medieval predecessors. These Humanist scholars wanted to excise Scholastic influence from their manuals, as did also for instance Philipp Melanchthon. However, some other Humanist scholars, for example the Flemish grammarian Jan Despauterius, maintained several analytical tools of description introduced into grammar in the Middle Ages.

The Humanists disapproved of the important role that logic and philosophy had played in medieval grammar and preferred to associate grammar more closely with the study of rhetoric and Classical literature. They also favoured a more practical approach to language teaching, involving less use of analytical tools and technical terms, which the young pupils would not properly understand. However, the Humanist program of grammar teaching with its idea of a return to the ancient sources has some inherent problems. The textbooks inherited from Antiquity were highly analytical and included a large number of technical terms; they introduced their doctrine by definitions and divisions, using the dialectical method. Thus, Priscian made a frequent use of philosophical concepts in his Ars. Ancient rationalistic grammar reached its intellectual peak in Apollonius’s and Priscian’s works, which moreover included the only ancient theory of syntax transmitted to posterity. Syntactical theory made huge progress in medieval times and it was in the field of syntax that medieval influences were difficult to avoid.

In my talk, I will discuss the reception of Priscian’s Ars by the Italian Humanists of the late fifteenth century, focussing on syntax, in particular. My focus will be on the major writers on Latin grammar listed by Jan Despauterius in his dedicatory letter at the beginning of his Grammaticae prima pars (1512), namely Perotti, Sulpicius, Mancinelli and Aldus Manutius.

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