La prochaine séance du séminaire de linguistique 2013-2014 de CLLE-ERSSàB aura lieu le jeudi 12 décembre 2013 de 15h30 à 17h30 dans la salle 2 de la MSHA (1er étage).
Elle sera consacrée à l’exposé de Laurence Labrune, Professeur à l’Université Bordeaux-Montaigne et à l’UMR 5263 (CLLE-ERSSÀB) :
Les marqueurs de composition dans les langues: une approche typologique
- avec une attention spéciale au japonais, au coréen, et au basque –
Résumé:
Cette présentation portera sur un mode de composition non représenté à ma connaissance dans les langues indo-européennes, qui consiste à faire subir à l'initiale du second constituant d'un mot composé une altération phonétique sub-segmentale, ladite altération fonctionnant comme marque de composition.
Le cas sans doute le plus connu et le mieux étudié de ce type de composition est le rendaku ("voisement de liaison") du japonais, illustré en (1) à travers deux exemples:
(1)
yama ('montagne') + kawa ('rivière') --> yama-gawa 'rivière de montagne'
yama ('montagne') + sakura ('cerisier') --> yama-zakura 'cerisier sauvage'
En japonais, les consonnes sourdes /h, t, k, s/ placées à l'initiale du second constituant d'un mot composé apparaissent sous les formes voisées /b, d, g, z/ après l'application du rendaku, autrement dit, après composition. L'apparition du rendaku n'est cependant pas systématique. Elle est soumise à de nombreuses conditions dont les interactions sont complexes et qui sont de tous ordres: phonétiques, sémantiques, syntaxiques, sociolinguistiques. Bien qu'un certain nombre de facteurs facilitant, ou au contraire, inhibant l'apparition du rendaku aient pu être identifiés, le phénomène demeure largement imprévisible et fortement irrégulier.
L'objet de cette présentation sera de documenter et de discuter des phénomènes compositionnels similaires au rendaku observables dans d'autres langues que le japonais, mais rarement mentionnés dans la littérature morphologique. A partir du cas du coréen et du basque, mais aussi du malgache et du slavey, entre autres, on tentera d'établir un ensemble de critères susceptibles de caractériser ce type de procédé compositionnel d'un point de vue typologique. Il s'agira également de réfléchir à la place qu'occupe ce type de procédé de composition parmi tous les autres (plus ou moins bien documentés eux aussi): accentuation propre aux composés, sandhi tonaux, éléments de liaison (du type "bindungs -s" de l'allemand par exemple), voyelle épenthétique du grec moderne, du polonais ou du russe, mutations consonantiques, etc.