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La prochaine séance du séminaire de linguistique 2014-2015 de CLLE-ERSSÀB aura lieu le jeudi 18 décembre 2014 de 14h30 à 16h30 dans la salle 2 (1er étage) de la MSHA.

Elle sera consacrée à l’exposé de Claude Muller, Professeur émérite, Université de Bordeaux Montaigne, CLLE-ERSSàB (UMR 5263):

Un classement hiérarchisé des déterminants en "de".

 

Le débat existe depuis longtemps, entre partisans pour les déterminants en de de l'option "article" et ceux partisans de l'option "préposition" (Wilmet 2003). Dans les études formelles, le débat a été initié par Milner (1978) distinguant un de quantitatif et un de partitif. Plus récemment (Hulk 1996), Kupferman (2004) ont tenté de regrouper plusieurs usages du "déterminant" de sous l'étiquette de "tête quantificationnelle". Kupferman argumente même pour un traitement identique des quantitatifs et des partitifs, deux entités soigneusement distinguées par Milner, qui en revanche assimile les partitifs aux "génitifs".

Toutes les analyses précitées associent plusieurs emplois des de déterminants. Cependant, Carlier & Melis 2006 font une analyse différenciée de certains emplois de de dans les déterminants, avec des traits distinctifs, concluant à une probable "famille" de termes. L'histoire montrerait d'ailleurs qu'il s'agit plus exactement d'une famille recomposée.

Partant de là, on a choisi de partir de l'hypothèse d'items distincts, aussi bien par l'histoire, les propriétés et la distribution. On peut, pour le français moderne, admettre quatre emplois différents par leur histoire, leurs propriétés, et leur distribution, qui sont:

- le partitif: réservé aux constructions dans lesquelles l'ensemble global de référence distinct du sous-ensemble indéfini est présent explicitement ou implicitement:

            Plusieurs des étudiants ont obtenu la moyenne

            Fontaine, je ne boirai plus de ton eau

- l'introducteur d'entité indéfinie (avec une distinction basique, nombrable ou pas)

            J'ai parlé de cela à des étudiants / Il a mis de l'eau dans son vin   

-le thématiseur: tous emplois en dislocation.

            J'en ai rencontré plusieurs, d'étudiants

            Celui-là, de salut, je l'ai réussi (Queneau)

-le relateur: il relie le déterminant au nom commun dans le NP lié. Le lien peut être indirect:

            Peu d'étudiants étaient venus / Il a beaucoup gagné d'argent

1. L'exposé montrera en quoi les catégories de de se distinguent (histoire, propriétés, distribution) et ce qui les différencie des emplois pleinement prépositionnels de de.

2. Il est possible de montrer que ces quatre emplois de de respectent une hiérarchie dans laquelle le terme supérieur "efface" ou masque (haplologie? "règle de cacophonie"?) le ou les emplois inférieurs:

 

            (préposition) > partitif > thématiseur > relateur > introducteur d'entité indéfinie

3. On essaiera de reconstruire les relations familiales telles que la hiérarchie ci-dessus invite à le faire, avec quelques questions que posent les analyses actuelles:

- est-ce que de peut être qualifié légitimement de tête quantitative (c'est l'élément Q de la catégorie QP chez Kupferman 2004)? L'emploi de l'article dit partitif montre clairement qu'il n'y a pas nécessairement de quantification qui lui soit associée.

- faut-il distinguer les partitifs des autres emplois? Leurs propriétés montrent qu'il ne s'agit plus de déterminants mais de noms-têtes (donnant raison plutôt à Milner, contre Kupferman).

Références (partielles)

Attal P., 1976: A propos de l'indéfini des: problèmes de représentation sémantique, Le Français Moderne, 44, 2, 126-142.

Bosveld-De Smet, 2000: Les syntagmes nominaux en des et du: un couple curieux parmi les indéfinis. dans : L. Bosveld, M. Van Peteghem, D. Van de Velde: De l'indétermination à la qualification, les indéfinis, Artois presses Université, 17-116.

Carlier A., 2001: La résistance des articles du et des à l'interprétation générique. Dans: D. Amiot, W. De Mulder & N. Flaux: Le syntagme nominal: syntaxe et sémantique, Artois Presses Université, 64-87.

Carlier A., Melis L., 2006: L'article partitif et les expressions quantifiantes du type peu de contiennent-ils le même de? Dans: G. Kleiber, C. Schnedecker, A. Theissen (Eds): La relation partie-tout, Peeters, Louvain, 449-464.

Corblin F. 1990: Les groupes nominaux sans nom du français. Dans: G. Kleiber & J.E. Tyvaert (éds): L'anaphore et ses domaines, Recherches Linguistiques XIV, Centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 63-80.

Dobrovie-Sorin C & C.Beyssade, 2004: Définir les indéfinis, CNRS Editions.

Hulk A., 1996: L'"autre" de: une tête quantificationnelle? Langue Française, 109, 44-59.

Kleiber G. 2005: Détermination, indéfinis et construction partitive, Scolia, 20, 209-239.

Kleiber G. 2008: Article partitif: une histoire vraiment ambiguë. Dans: S. Reinheimer Ripeanu (éd), Studia Linguistica in Honorem Mariae Manoliu, Bucarest, Editura Universitatii din Bucuresti, 152-163.

Kupferman L. 2004: Le mot "de". Domaines prépositionnels et domaines quantificationnels, De Boeck-Duculot.

Lagae V. 2001: J'en ai lu deux, de livres: les structures à détachement de forme de N, dans: D. Amiot, W. De

Mulder & N. Flaux (eds): Le syntagme nominal, syntaxe et sémantique, Artois Presses Université, 215-231.

Milner J.-C. 1978: De la syntaxe à l'interprétation, Le Seuil.

Muller C. 2008: Les bases de la syntaxe, P.U. Bordeaux.

Muller C. 2010: Les indéfinis dans les classes lexicales du français, Cahiers de lexicologie, 96-1, 167-190.

Wilmet M., 2003: Grammaire critique du français, (3e éd.).