La prochaine séance du séminaire de CLLE-ERSSàB 2017-2018 aura lieu le jeudi 14 décembre de 15h30 à 17h30 en salle F107.
Nous écouterons un exposé de Benoît de Cornulier, Professeur émérite à l'université de Nantes.
Titre de l’intervention
Contre les subordonnées « interrogatives » : sur les compléments de dépendance et leur domaine
Résumé
Les subordonnées ou complétives interrogatives (embedded interrogatives »), comme dans « knowing whether p » ou « knowing what V’s », sont bien installées, de longue date, dans le paysage de l’analyse linguistique et, depuis plusieurs dizaines d’années, sont l’objet de nombreuses recherches logiques en philosophie du langage. La pertinence de la notion de « question » y est généralement supposée comme le confirment les notions de question ou de réponse dans, par exemple, le titre de la thèse de Groenendijk et Stokhof 1984 Studies on the semantics of questions and the pragmatics of answers, ou de l’ouvrage d’Utpal Lahiri 2002) Questions and answers in embedded contexts.
Pourtant la pertinence de ces notions n’est pas évidente dans de nombreux contextes incluant ces supposées « interrogatives », comme : « La température dépend de s’il pleut » ou « N’importe qui pouvait entrer ». À propos de la notion même de « savoir », Hintikka 1962 avait exploité l’idée qu’au moins approximativement quelqu’un sait si p si et seulement si : Si p, il sait que p ; si non-p, il sait que non-p ; selon cette paraphrase A sait si p apparaît comme une relation de condition distributive entre deux paires de propositions, d’une part « p » et « non‑p » (paire conditionnante) et d’autre part « A sait que p » et « A sait que non-p » (paire dépendante) ; il n’est pas question de question là-dedans. Cette possibilité invite à analyser en termes de dépendance les contextes de « complétives interrogatives » qui enveloppent une notion de savoir ou d’information. À partir de là, je propose d’envisager que la plupart des contextes de complétive « interrogative », dont certains n’impliquent pas une notion d’information, ni à fortiori de question, ni à encore plus forte raison d’interrogation, sont des contextes de dépendance. D’où la conjecture que chaque complétive « interrogative » ne représente en soi qu’un des deux termes au sein d’une relation de dépendance. Si cette analyse est correcte, il n’y pas plus de chance de trouver le sens dépendanciel (ou « interrogatif ») dans une subordonnée « interrogative » que de découvrir la notion de condition à l’intérieur d’un seul, isolé, des deux termes, conditionnant et conditionné, d’une relation de condition.
Cette perspective modifie le réseau des phénomènes qu’on peut associer aux « interrogatives » subordonnées. Notamment, elle les détache du domaine du discours rapporté, et elle les apparente à certaines subordonnées circonstancielles dites « concessives », qui ne concèdent rien, comme contribuant à l’expression d’une relation de non‑dépendance ; ainsi « Whether p or q, r » ne concède pas que p ou que q, mais signifie que la proposition « r » vaut indépendamment de cette alternative.