Bonjour à tous,
le prochain séminaire de l'équipe CLLE-ERSSàB aura lieu le jeudi 16 mai de 15h30 à 17h30 dans la salle Jean Borde (Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine)
Nous y écouterons Denis Apothéloz (Université de Lorraine & ATILF), qui fera un exposé suivi d'une discussion sur le sujet suivant:
Les formes verbales surcomposées en français
Frédéric Lambert
Résumé:
Dans le champ des études portant sur l’aspect grammatical, il existe à ce jour une somme considérable de travaux consacrés à la sémantique des parfaits. Concernant plus particulièrement la langue française, plusieurs études ont été consacrées ces dernières années au passé composé, souvent dans une perspective diachronique et dans le cadre d’une confrontation avec le passé simple. Dans ce panorama, les temps surcomposés, certes beaucoup moins fréquents et souvent ignorés par les grammaires d’usage, font figure de parent pauvre, en dépit de quelques publications importantes (comme Foulet 1925 ; Cornu 1953 ; Stefanini 1954 ; Carruthers 1994 ; de Saussure & Sthioul 2012 ; Borel 2017). S’agissant du passé surcomposé, ces publications s’accordent généralement pour distinguer plusieurs variétés, en fonction de leur contexte grammatical d’occurrence, de leur valeur sémantique et de leur répartition géographique.
Ma présentation se déroulera en deux temps.
Dans un premier temps, je m’attacherai à produire une description générale du passé surcomposé – forme surcomposée la plus fréquente en français – et montrerai que les emplois de ce temps verbal s’articulent autour de deux types bien distincts : un type résultatif et un type existentiel (ce dernier réalisant une interprétation connue, depuis Zandwoort (1932), sous l’appellation de « parfait d’expérience »). Une caractérisation de ces types au moyen d’un certain nombre de propriétés sera développée et exemplifiée. On verra que cette caractérisation met en corrélation des observations relevant de trois niveaux de propriétés au moins : propriétés aspectuo-temporelles, propriétés morphologiques et propriétés « textuelles » (au sens des genres textuels). Au plan morphologique, l’une des hypothèses qui sera examinée est que les types résultatif et existentiel puissent correspondre à des temps verbaux distincts.
Comme on sait, il existe en français d’autres formes surcomposées. Dans un second temps, j’essaierai de montrer que la distinction des types résultatif et existentiel explique l’immense majorité des emplois des autres temps surcomposés, et constitue donc une opposition clé organisant l’ensemble du paradigme de la surcomposition verbale du français.
Références :
Apothéloz, D. (2010). Le passé surcomposé et la valeur de parfait existentiel. Journal of French Language Studies 20/2, 105-126.— Borel, M. (2017). Apparition et évolution du passé surcomposé en français. In : Prévost, S. & Fagard, B. (éds), Le français en diachronie : Dépendances syntaxiques, morphosyntaxe verbale, grammaticalisation. Berne : Peter Lang, 189–215. Borel, M. (à par.). Les formes verbales surcomposées en français. Fribourg : Université de Fribourg & Nancy : Université de Lorraine, thèse de doctorat. — Carruthers, J. (1994). The passé composé régional: towards a definition of its function in contemporary spoken French. Journal of French Language Studies 4(2), 171–190. — Carruthers, J. (1998). Surcomposé ‘general’ et surcomposé ‘régional’ : deux formes distinctes ? In : G. Ruffino (ed.), Atti del XXI Congresso Internazionale di Linguistica e Filologia Romanza, Vol. 2. Tübingen : Max Niemeyer, 143-154. — Cornu, M. (1953). Les formes surcomposées en français. Berne : Francke. — De Saussure, L. & Sthioul, B. (2012). Formes et interprétations du passé surcomposé : unité sémantique d’une variation diatopique. Langages 188, 75–94. — Desclés, J.-P. (2017). Invariants des temps grammaticaux et référentiels temporels. Verbum 39(1), 155–189. — Foulet, L. (1925). Les formes surcomposées en français. Romania 51, 203-252. — Jolivet, R. (1986). Le passé surcomposé : emploi « général » et emploi « régional ». Examen des insertions dans le syntagme verbal surcomposé. In : Mélanges d’onomastique, linguistique et philologie offerts à M. Raymond Sindou, vol. 2, 109–116. Bâle : Centre du FEW. — McCawley, J.D. (1981). Notes on the English perfect. Australian Journal of Linguistics 1, 81-90. — Mittwoch, A. (2008). The English Resultative perfect and its relationship to the Experiential perfect and the simple past tense. Linguistics and Philosophy 31, 323–351. — Stefanini, J. (1954). La tradition grammaticale française et les temps surcomposés. Annales de la Faculté des lettres d’Aix 28, 67–108 (réédité dans : Linguistique et langue française. Textes de J. Stefanini réunis par P. Bonnefois. Paris : Editions du CNRS, 1992, 37–74. — Sthioul, B. (2006). Le(s) passé(s) surcomposé(s) : temps, aspect, subjectivité. Travaux neuchâtelois de linguistique (tranel) 45 115–132. — Zandvoort, R.W. (1932). On the Perfect of Experience. English Studies 14, 11-20 et 76-79.