Shuaijun JIANG-MALLET soutient sa thèse de doctorat, préparée sous la direction de Claude MULLER et de Marie-Claude PARIS, intitulée La complétive objet en chinois, le vendredi 7 décembre 2012 à 14h salle Montaigne, à l'université Michel de Montaigne-Bordeaux3.

 

Jury: Mmes Christine Lamarre et Marie-Caude Paris, MM.Dan Xu, Gaston Gross et Claude Muller

 

Résumé

 

L’objet d’étude central de cette thèse est la complétive objet en chinois. Elle a été délimitée de manière à ce qu’elle soit explicitement distinguée de la complétive assumant d’autres fonctions argumentaires telles que le sujet ou l’objet indirect, ces deux derniers ne seront discutés qu’accessoirement et toujours au service de l’analyse sur la complétive en fonction d’objet.

 

Nous nous appuyons, dans une large mesure, sur les recherches effectuées sur le français et l’anglais afin de faire apparaître les points communs de cette structure dans ces trois langues et ses spécificités en chinois. Ce faisant, nous espérons contribuer aux connaissances de cette structure du point de vue de la linguistique générale, et en même temps fournir une étude descriptive et une analyse approfondie de la complétive en chinois ainsi que de ses prédicats introducteurs.

 

Dans notre perspective, l’étude de la complétive doit s’inscrire dans l’étude de la complémentation verbale en général. Ainsi nous la mettons en relation avec d’autres types de compléments : sur un premier niveau le complément en syntagme nominal et en syntagme verbal sans sujet syntaxique ; sur un deuxième niveau la complétive Interrogative Indirecte et sur un troisième niveau les constructions parallèles qui impliquent des structures argumentales et des relations de contrôle totalement distinctes de la construction complétive.

 

Dans l’ensemble, notre thèse s’inscrit dans le cadre du lexique-grammaire. Le terme de lexique-grammaire a été introduit par Maurice Gross en 1984. Les idées qui sont à l'origine du lexique-grammaire ont été formulées par M. Gross au cours des années 1960. Le cadre théorique qui a été adopté est la théorie des transformations syntaxiques de Z.S. Harris. Dans l’analyse concrète des constructions nous adoptons celle de la structure prédicative (Muller 1996) qui se base sur la hiérarchisation des prédicats et de leurs arguments. Cette approche se place dans la tradition de la grammaire transformationnelle de Harris et de Gross mais se distingue sur plusieurs aspects dont un en particulier : elle tient compte de la sémantique dès le départ de la construction de l’énoncé.

 

Notre thèse se divise en cinq chapitres. Dans le premier chapitre nous exposons la base théorique et analytique qui nous sert de point de départ pour cette thèse. Elle est divisée en trois sections. Dans la première section nous parlons de la conception générale de la construction complétive en tant que type de subordonnée. Nous présentons tout d’abord le concept de la nominalisation, ensuite la notion de ‘nom de discours’, concept ‘guillaumien’ qui tente, en vain, de concilier les spécificités de la complétive à la notion de la nominalisation. Enfin nous adoptons le point de vue de Muller (1996) selon lequel la conjonction ‘que’ a pour fonction d’intégrer une proposition finie dans la structure argumentale du prédicat matrice sur le plan syntaxique et sur le plan énonciatif, elle suspend la valeur énonciative de la subordonnée et donne l’instruction d’aller la chercher dans la principale.

 

Dans la deuxième section nous présentons quelques analyses qui intègrent le facteur sémantique dans l’étude de la complétive. Nous présentons principalement l’article de Hooper (1976) sur les assertifs en anglais et celui de Borillo (1982) sur les assertifs en français.  Chaque sous-type de verbes assertifs a son propre comportement face à la négation et à l’interrogation ; la construction postposée est définie comme spécifique aux assertifs. La dernière est consacrée à la présentation de deux travaux représentatifs sur la construction complétive en chinois.

 

Le chapitre 2 a deux objectifs : premièrement, il s’agit de préciser l’objet de notre étude, la complétive du chinois. Tout d’abord, il s’agit de déterminer si la complétive en chinois inclut la complétive infinitive. La question est vaste ; pour y répondre, il faut d’abord savoir si le temps syntaxique existe en chinois. Nous présenterons  en détail l’analyse de Lin (2003) qui argumente, avec perspicacité, que le chinois n’a pas de temps syntaxique. Nous décidons d’éviter le terme de l’infinitif dans la description du chinois et avons préféré le terme de ‘verbes à propriété réduite’. Spécifiquement, concernant le prédicat subordonné dans la construction à contrôle objet, nous choisirons d’en parler comme un complément verbal sans sujet syntaxique puisque l’absence du sujet syntaxique a été analysée comme la seule restriction réelle pour ce type d’élément. L’interrogative indirecte (désormais II) est considérée aussi comme un type de complétive, mais nous tenons compte de sa spécificité sémantique qui la distingue de la complétive que P : dans la construction II, l’objet sémantique est un objet de savoir, il s’agit d’une interrogation sur la vérité de cette action. Plusieurs tests syntaxiques seront repris de Muller afin d’attester cette particularité.

 

Dans le troisième chapitre, nous avons l’objectif d’étudier les propriétés de sélection des prédicats introducteurs de la complétive en chinois par rapport à d’autres types de complémentation. Nous commencerons par présenter la théorie de ‘c-selection’ et de ‘s-selection’ (Grimshaw 1979) en raison de sa valeur représentative. Dans la deuxième section, nous étudierons les propriétés de sélection des prédicats par rapport au complément syntagme nominal et au complément verbal sans sujet syntaxique. Dans la dernière section nous traiterons spécifiquement les éléments qui peuvent modifier la sélection des prédicats entre la complétive déclarative et l’II. Notre investigation s’étend aussi sur d’autres types d’éléments auxquels nous pouvons avoir recours afin de modifier (ou d’adapter) les verbes introducteurs à leur complétive objet.

 

Dans le chapitre 4 nous traitons un problème tout à fait spécifique au chinois : la complétive en chinois est construite sur le schéma [(SN1)+SV1+SN2+SV2] qui est commun à plusieurs types de complémentation verbale. Trois types de constructions seront mis en parallèle avec la complétive : la construction à contrôle d’objet, à 2e complément et à double complément. Ces trois types de constructions parallèles se distinguent les uns des autres par leurs spécificités du point de vue de la structure argumentale et de la relation de contrôle. A l’issue d’une étude sur chacune d’elles, les trois types de prédicats (VD, VI, VD/I) seront présentés séparément selon leurs différentes compatibilités par rapport aux constructions parallèles étudiées. La dernière section de ce chapitre est consacrée aux prédicats polysémiques qui sont introducteurs de la complétive. Une trentaine de cas ont été relevés et seront présentés dans une table récapitulative, toutes les significations en lien avec la complétive (que) Pdéclarative et l’II y figurent, chacune portant un indice numérique. Bien souvent, la différence de compatibilité avec les deux types de complétive est corrélée à une distinction sémantique.

Dans le chapitre 5 nous nous intéressons aux propriétés syntaxiques de la construction complétive en chinois. Il est composé de quatre grandes sections. Dans la première section, nous mènerons une discussion à propos du morphème shuo, qualifié par Tsao (1990) de ‘conjonction de subordination émergente’. La deuxième section concerne les caractéristiques d’intégration de la complétive dans sa proposition principale. La troisième section traite les verbes recteurs faibles selon les termes de Blanche-Benveniste (1988), nous étudierons en détails les propriétés syntaxiques des recteurs faibles en chinois. Nous étudions deux prédicats en particulier : xiangxin ‘croire’ et kan ‘regarder’. Le premier possède un double emploi de recteur fort et de recteur faible, exactement comme ses équivalents en anglais et en français, believe et croire respectivement.

 

Dans la dernière section de ce chapitre nous analyserons l’interprétation des références temporelles dans la construction complétive. Nous présenterons l’argument de Lin (2003) selon lequel la phrase complexe en chinois, tout comme sa phrase simple, n’a généralement aucun marqueur de temporalité, l’interprétation temporelle peut se faire uniquement sur la base de la sémantique des deux prédicats (matrice et subordonné).

 

Nous étudierons ensuite les restrictions imposées sur l'emploi des marqueurs dans la construction complétive; nous présenterons principalement quatre cas de figure: (i) pour un grand nombre de prédicats, il n’existe aucune contrainte ni pour eux, ni pour leur subordonné; (ii) il existe un petit groupe de prédicats qui ne doivent porter aucun marqueur, leur subordonné non plus; (iii) un troisième type de prédicats sont libres de porter tous les marqueurs mais leur subordonné ne doit en porter aucun; (IV) un autre groupe de prédicats dont le subordonné est libre par rapport aux marqueurs mais qui subissent eux-mêmes des contraintes à divers degrés. Trois sous-types seront discutés en détail : a) les prédicats qui sont eux-même totalement incompatibles avec les marqueurs, b) les prédicats émotifs qui  excluent l'emploi de le, c) les prédicats assertifs pour qui les marqueurs permettent de placer un accent informationnel en fonction du besoin communicatif.